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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/188

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mes mémoires

vantage. Son regard se fit plus triste. Il était devenu secrétaire général de l’Université de Montréal. À ce poste il rendit d’éminents services. Il s’y attarda peut-être un peu trop. Son sort serait celui des hommes qui se survivent. Il laisse après lui un brillant enseignement qui, hélas, ne demeure que dans le souvenir de ses anciens disciples. Il avait commencé à raconter ses mémoires ou ses « Souvenirs ». Autre œuvre qui resterait pourtant inachevée. De ses funérailles dirai-je qu’elles n’ont pas eu, m’a-t-il semblé, tout l’éclat qu’on pouvait attendre ? Sa mémoire est trop vite oubliée. Caprice des hommes et caprice de la gloire. Ce noble disparu méritait mieux. Les Canadiens français sont effroyablement divisés, mêlés, fourvoyés par leurs politiciens, plus hommes de parti que serviteurs de leur pays et de leur nationalité. Ils le sont aussi par trop de leurs intellectuels, parfaits déracinés, dont l’œuvre pourrait être tout aussi bien celle d’étrangers. En politique Montpetit était de ces rares qui pensent nationalement. En tout le reste, il donnait le valable exemple de l’homme de culture que sa culture n’avait que plus fortement enraciné dans le vieux sol de son petit et de son grand pays. J’oserais dire que Montpetit manque à notre paysage spirituel. Il incarnait, au Canada français, le type le plus accompli de l’académicien. Il faudra du temps, bien du temps, avant qu’on voie repasser, en notre petit monde, l’attachant profil de cet Athénien.

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Il reste une autre grande vedette : Henri Bourassa. Mais celle-ci tiendrait trop de place en ces pages. On la retrouvera dans le quatrième volume de ces Mémoires.