Un jour de désenchantement, c’était en sa jeunesse, le voici qui pose tout à coup sa candidature au poste de conservateur de la Bibliothèque Municipale de Montréal. À cette nouvelle, grand émoi parmi ses admirateurs et amis. Cet homme s’en ira-t-il se fossiliser sur un rond de cuir ? Oubliera-t-il qu’il est taillé pour d’autres tâches ? Mis au courant, Jules Fournier, m’a-t-on raconté dans le temps, aurait dit : « Laissez-moi faire. Demain je vais lui dédier un article qui va le guérir à jamais de sa folle pensée. » L’article parut dans L’Action (23 octobre 1915). Article d’éloges, de fine moquerie, de raillerie cruelle. Fournier étalait pompeusement le Montpetit des grandes et délicieuses allocutions, coqueluche des dames et des gens de lettres, roi des discours et des conférenciers ; puis il le peignait s’en allant terminer sa carrière, enfoui entre des rayons de livres, dans l’existence d’un petit bourgeois en pantoufles. Fournier ne rata point son coup. Il avait intitulé son article : « Monsieur Montpetit n’acceptera pas ». Montpetit retira sa candidature. Un autre jour, son ami Athanase David se mit en tête de l’attirer dans la politique. Montpetit parut à une assemblée à Sainte-Thérèse, dans le comté de Terrebonne. Il y prononça même un discours. Le lendemain, les critiques de pleuvoir sur l’orateur. Ce fut la fin de la carrière politique de Montpetit. À Paris où j’étais alors, Minville m’écrivait, fin de janvier 1931 : « Il s’en va dans la politique, vous le savez, et il souffre d’avance des coups qu’on lui portera. Pauvre pâte sans levain ! » Pour l’effroyable mangeuse d’hommes, Montpetit garda longtemps néanmoins un arrière-goût de secrètes tentations. Il eût grandement souhaité, je pense, un siège de sénateur à Ottawa. Et, à la vérité, on ne se défend pas de rêver à la fleur d’élégance qu’il eût jetée dans ce milieu de vieillards décrépis et d’hommes fossiles. Mais la démocratie n’a jamais eu plus qu’il ne faut le culte des supériorités. Montpetit n’avait jamais rien fait pour le parti. De quel droit pouvait-il en attendre quelque chose ? On lui préféra un monsieur quelconque, de nom reluisant qui, lui, pour le parti, avait combattu jusque sur les tréteaux, son propre frère et qui, au reste, disait-on dans la coulisse, avait promis au vaniteux MacKenzie King d’écrire sa biographie. Édouard Montpetit porta mal l’amère déception. Il en souffrit jusqu’à la fin de sa vie. Atteint, en même temps, par une grave infirmité, ses épaules se courbèrent da-
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troisième volume 1920-1928