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quatrième volume 1920-1928

rions jamais réussi à nous établir dans ce pays-ci. Aussi je retourne avec plaisir au pays parce que je crois devoir employer ma vie convenablement.

— (D’un ton plus élevé) : Je serais bien surpris que tu ne le voulusses pas !

— Aussi n’ai-je pas dit le contraire…

— Est-ce que je te dois compte de ma conduite ?…

— Non, mais je crois être d’âge à réfléchir et à vous présenter des raisons qui me semblent bonnes pour ces considérations, etc…

Échange de propos assez vifs qui révèlent l’atmosphère du foyer Papineau à Paris. On en devine aussi les répercussions sur les nerfs du jeune étudiant. Un jour, à propos de ces controverses avec son père, sur l’opportunité du retour au Canada et sur le choix de la conduite à tenir, il en vient à faire cette confidence à son frère Amédée :

Que toi, maman, Tante Dessaulles et nos oncles Benjamin & Viger écrivent ces choses à Papa. Il ne peut souffrir que je lui dise un mot. Il ne m’écouterait pas plus sur ce sujet que sur ceux où mes intérêts personnels sont compromis. Il passe de la plus aveugle colère au découragement le plus complet et à l’injustice. Il faut se taire et recevoir des imprécations, ou, par la plus légère observation, s’attirer de plus violents reproches et se jeter dans le désespoir… Que veux-tu que je fasse entre ces deux alternatives ? Souffrir bien plus que lui, et pour lui et pour moi (lettre du 14 novembre 1843).

Souffrir bien plus que lui ! Mot inquiétant sur l’état d’âme de ce jeune homme surmené par surcroît par ses études et tou-