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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/244

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mes mémoires

tes sortes de privations. Nous savons déjà qu’il travaille d’arrache-pied, au risque d’épuiser ses réserves nerveuses. Au jugement de Papineau, Lactance a pour son art « un culte de latrie ». En 1842, alors que la perspective d’un retour en Amérique s’avère prochaine, l’étudiant, pour gagner du temps, part de chez soi à six heures du matin pour ne rentrer qu’à onze heures du soir. Il ne prend plus de récréation (lettre de Papineau à Amédée, 16 novembre 1842). Ses études médicales, Lactance s’y adonne en des conditions pénibles. Pendant un temps, celui où sa famille habite à 10 bis, rue de Courcelles, le pauvre jeune homme parcourt à pied une lieue et quart pour se rendre à ses cours : sacrifice, dit son père, qu’il « consent de bon cœur, parce qu’il voit le plaisir et l’avantage qu’y trouvent les jeunes ». Mais Papineau n’a pas les moyens de fournir à son fils l’aide d’un répétiteur qui « plus au long et avec plus d’expérience, répète les cours publics aux élèves » (lettre à son fils, Amédée, 14 janvier 1840). Une année plus tard, Papineau se sent gêné à ce point qu’il lui faudra renoncer à faire prendre à Lactance ses diplômes en médecine. « Il pourra acquérir toute la science du Docteur, et il l’acquiert, écrit-il au cousin Louis Viger, mais il n’en prendra pas le bonnet » (lettre du 31 juillet 1841). Un moment viendra même où Papineau se demandera sérieusement si Lactance pourra continuer ses études (lettre à Amédée, 15 nov. 1839). Trois ans, cinq ans de ce régime de vie paraissent avoir ébranlé le système du frêle jeune homme. Déjà, en 1840, lorsqu’il s’est vu sans répétiteur et incapable de prendre son degré de baccalauréat, son père nous le confesse : il a eu « des moments de dégoût et de découragement » (Papineau à son père, 26 mars 1840). Ses lettres de 1843 nous montrent un pauvre Lactance à bout de forces, excédé de sa misère, de sa pauvreté, des obstacles à ses études. On y relève des phrases comme celles-ci : « Je suis très irritable de ce temps-ci… » « Rien ne serait plus misérable pour nous qu’un séjour permanent en France. Comme si quatre ans de