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mes mémoires

bon, la mécanique et tous les désirs médiocres, au milieu desquels notre démocratie voudrait enfermer tout l’horizon de l’homme ». Nul peuple ne peut cesser de croire que la civilisation s’exprime avant tout dans les monuments intellectuels, dans la pureté et la gravité des mœurs, dans les harmonies d’une justice et d’une charité supérieures. Oui, jusqu’à la fin il restera nécessaire de proclamer qu’un peuple perd sa peine et son existence qui cesse d’être le peuple de sa vocation, l’exécuteur de la pensée divine sur lui. Aux constructeurs de notre avenir matériel de ne point perdre de vue le caractère essentiellement pratique de ces hautes vérités.

Oh ! sans doute, précautions qui, aujourd’hui, paraissent bien méticuleuses et prêtent à sourire. Elles sont de leur temps et elles soulignent du même coup, ce me semble, la hardiesse de ces nouvelles consignes. Directeur de la revue et directeur de l’enquête, il m’incombe d’en écrire la conclusion. Je m’exécute dans la livraison de décembre 1921. Et je le fais de Paris, où, comme l’on sait, je suis alors en voyage de recherches aux archives de France. De nouveau, je signale l’importance de cette étude sur l’un de nos problèmes capitaux, étude la plus cohérente, m’a-t-il paru, depuis L’Indépendance économique du Canada français d’Errol Bouchette. Puis je souligne quelques observations réconfortantes, relevées ici et là par nos collaborateurs : absence d’obstacles ou d’insuffisances insurmontables dans la solution du problème ; point, en tout cas, du côté de la nature, encore qu’il faille se défendre d’un déterminisme trop absolu de la géographie ; point d’insuffisances, non plus, du côté du facteur humain, c’est-à-dire de nos hérédités françaises, l’esprit français, de par son « élégante solidité », étant « capable autant que tout autre de s’intéresser aux choses positives et de vaincre les réalités », avait écrit Antonio Perrault ; nulle nécessité, par conséquent, appuyait Henry Laureys, de pétrir l’esprit de notre jeunesse à l’anglaise, pour la rendre plus apte au succès en affaires ; point d’insuffisances irréparables enfin dans le « capital-médiat », ou le capital-espèces, estimé par Georges Pelletier et Édouard Montpetit au demi-milliard et même au milliard et plus. Dans le commerce, selon Léon Lorrain, nos réalisations se révélaient même étonnantes, compte tenu du point de départ, c’est-à-dire de la dévastation de 1760 et de la banqueroute de Louis XV. Où donc discerner