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quatrième volume 1920-1928

Car enfin si nous avons gardé intacte l’armature de notre état social, si nos ancêtres nous ont légué un admirable héritage de vertus et si notre main-d’œuvre et nos organisations ouvrières offrent les plus hautes garanties de moralité, il y a lieu de penser que ce n’est pas uniquement pour édifier la fortune des autres.

Puis, délibérément, je revenais une fois de plus à la « hiérarchie des problèmes », hiérarchie dont l’Action française, en toutes ses initiatives, s’était fait une règle inviolable. L’un de nos directeurs, Antonio Perrault, allait, du reste, indiquer nettement le rôle de notre effort économique dans l’ensemble de nos intérêts supérieurs, intellectuels et moraux. Si j’y reviens, c’est que les craintes des « intégristes », mises en éveil, me l’imposaient. Il y a de ces prudences qui ne sont jamais trop prudentes :

En définitive, disais-je donc, à quoi nous servirait d’être les vainqueurs de la lutte économique, si nous devions être les vaincus de la richesse ?

 

Ici se présente le problème classique. Un peuple qui veut aspirer aux plus hautes formes de la vie, doit assurément se pourvoir d’une certaine somme de bien-être matériel. Mais comment empêcher que l’Économique ne finisse par dominer trop entièrement la vie nationale ?

« L’Action française, prenais-je encore la peine de préciser, n’adresse point à nos compatriotes un appel à la constitution des grandes fortunes. » Ce qu’elle souhaite obtenir, c’est un « effort collectif et ordonné, un appel à chacun de faire tout son devoir à son poste, une invite à la collaboration de tous les facteurs pour le triomphe de l’indépendance commune et pour l’acquisition du bien-être par chacun ». Puis, pour finir, j’invoquais la nécessité d’une fonction directrice au début de l’ère qui, espérions-nous, allait s’ouvrir :

À tous les tournants de son passé, notre peuple aura eu besoin d’être éclairé. À ce moment-ci de son évolution, il importera, comme toujours, qu’il soit guidé dans l’organisation de sa vie. Toujours, pour citer quelques lignes de M. Robert Vallery-Radot, « une nation même catholique aura besoin qu’on lui montre une destinée qui dépasse le boire, le manger, l’hygiène, le char-