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quatrième volume 1920-1928

l’opportune fondation d’un Conseil supérieur d’études économiques. Et lui aussi termine par un appel à l’action immédiate :

Bref et pour tout dire, parlons moins et agissons plus. Montrons qu’après cent soixante-quinze ans de glissements successifs, parfois imperceptibles, vers un état d’infériorité que l’abandon de toutes nos richesses naturelles à l’étranger menace de rendre irrémédiable, nous avons au moins acquis ce qui nous a si lamentablement fait défaut dans le passé : l’instinct de conservation.

On ne saurait donc reprocher aux hommes de ma génération d’être passés à côté du problème économique sans le voir. Ils n’ont pas dit ni écrit, sans doute, que la Conquête anglaise nous a cassé les reins et pour jamais. On niera difficilement, en revanche, qu’ayant vu le problème, ils n’en aient pas discerné l’extrême gravité. Ils ne l’ont pas cru non plus insoluble. Ils ont tâché d’indiquer les moyens d’en sortir. Pouvaient-ils faire autre chose ? Est-ce la faute de l’Action française si, depuis son enquête, la situation est encore au même point qu’en 1921 ? Qui a manqué de persévérance ? Et pourquoi en politique, en éducation, en propagande d’opinion, rien n’a-t-il été fait de ce qui aurait dû être fait ? Eh oui ! je viens de relire ces réflexions sur notre problème économique. Et l’on comprendra qu’elles me laissent songeur. Cette enquête eut lieu il y a trente ans[NdÉ 1]. Tout reste à reprendre, à faire. Ce chapitre aurait dû se donner pour titre : « Au temps du char mérovingien » ; ou encore : « Avant l’accélération de l’histoire » ; ou encore : « Quand l’histoire allait à pied, ni en auto ni en avion » ; ou enfin : « Quand l’avion de l’histoire ne défonçait pas le son ». Que la vie, sa vie propre, repassée après trente ou quarante ans, enseigne l’humilité ! Et que la vie d’un peuple est petite chose qui se laisse gouverner par ces ânes que sont, en général, les politiciens canadiens-français, complices de la finance anglo-américaine, pour le seul et noble souci de bourrer leurs poches et de se faire réélire.

Le problème politique

Nous en étions aux enquêtes sensationnelles. L’enquête sur le problème économique n’a pas encore pris fin que déjà la Ligue

  1. Texte écrit en 1955.