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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/310

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mes mémoires
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événements. Et puisque les pronostics les moins contestables nous avertissent qu’un avenir nouveau s’en vient, c’est notre devoir de le préparer.

Des précisions sur ce même point, on en trouvera et d’aussi expresses aux volumes IX (189-190) et X (190-192) de L’Action française. Dans le volume IX, sous la signature, cette fois, de Nicolas Tillemont (autre compagnon de Dollard), je me défendais encore de rien brusquer et j’ajoutais :

Mais la question est précisément de savoir si dans 50 ou 75 ans l’empire britannique et la confédération canadienne existeront encore… L’Action française a donc le droit de conclure qu’un peuple n’est pas justifiable de se laisser surprendre par les événements et qu’aucun devoir ne nous impose d’attendre l’écroulement de la maison actuelle sur nos têtes, avant de songer à préparer notre logis de demain.

Je répondais du même coup, à des objections récemment mises en circulation :

Nous ne disons pas, non plus, qu’un État français indépendant est possible dans l’état actuel de l’Amérique du Nord. Mais nous prétendons que la géographie politique de notre continent est rien moins que fixée en des lignes éternelles. D’ici un siècle, des changements, des bouleversements sont même probables qui feront que l’avènement d’un État français aussi vaste que beaucoup d’autres n’aura plus rien d’illusoire…

Va-t-on nous opposer que le but est trop lointain, le rêve trop utopique, qu’il est de nature à détourner notre peuple de sa tâche présente ? Nous répondrons premièrement qu’une race ne peut jamais étendre trop loin ses prévisions ; et secondement que le nouvel idéal ne peut être qu’une force bienfaisante, s’il est vrai que notre faiblesse la plus grande est de manquer d’orientation, de fin précise et entraînante ; et s’il est vrai aussi que tous nos labeurs accomplis pour la réalisation légitime de l’État français ne seront, après tout, qu’une coordination plus vigoureuse de nos efforts d’aujourd’hui.

Quelques autres voudraient-ils nous reprocher de ne pas travailler au maintien de la Confédération canadienne, voire de l’Empire anglo-saxon ? Qu’à cela ne tienne. Là vraiment, répliquerions-nous, serait la tâche chimérique, la folie démesurée. Voilà cinquante ans que nous travaillons à construire, pendant