goureux, le plus pénétrant ». Henri Bourassa, dans Grande-Bretagne et Canada, avait déjà prononcé de graves paroles. Les influences funestes sur le Canada de l’impérialisme britannique et de l’impérialisme américain l’effrayaient déjà en 1901. Qu’en résulterait-il pour l’avenir du pays, tiraillé, ébranlé par ces énergies divergentes ? Quelles en seraient les conséquences pour nous-mêmes du Canada français ? Et Bourassa avait conclu :
Mais quel que soit pour nous le mot de l’avenir canadien-français, nous avons un devoir manifeste à remplir envers nous-mêmes, envers notre nationalité : c’est de nous préparer à tout, afin de ne pas être surpris par l’heure décisive.
Avertissement assez proche déjà de celui que, vingt ans plus tard, donnerait L’Action française. Après les élections du 6 décembre 1921, et plus d’un mois avant la publication du premier article de notre enquête, article que j’avais écrit à Paris, en novembre, Henri Bourassa, dans Le Devoir du 23 décembre, justifiait nos alarmes sur l’écroulement prochain de la Confédération :
La Confédération a vécu, en puissance. Durera-t-elle 20 ans ou 30 ans, je l’ignore ; mais elle doit se dissoudre un jour. En annexant cet immense territoire de l’Ouest où devait pénétrer l’influence américaine, les pères de la Confédération ont fait une erreur capitale. Ils ont mis le poison dans le berceau de l’enfant. De plus en plus notre vie nationale sera dominée par la rivalité de l’Est et de l’Ouest.
Notre enquête de 1922, on peut donc s’en rendre compte, ne s’apparentait en rien aux rêves artificiels de cerveaux en mal de nouveauté. Elle jaillissait de l’austère réalité canadienne, d’une sorte d’impératif des événements. Lorsque l’enquête terminée, nous prendrons la résolution de mettre en volume les dix articles des collaborateurs, n’aurai-je point parfaitement raison d’écrire en guise de préface :
La Confédération canadienne paraît s’en aller inévitablement vers la rupture. L’issue paraît certaine aux esprits les plus clairvoyants ; la date seule de l’échéance reste encore dans l’inconnu…
Nous croyons inattaquable l’attitude que nous avons prise. Nous ne voulons rien détruire, non plus que blesser aucun devoir. Mais un peuple n’a pas le droit de se laisser surprendre par les