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quatrième volume 1920-1928

Pourtant, si nous voulons utiliser chez nous cette méthode d’éducation et de préservation, il faudra, comme dans les autres pays, adapter le système à notre tempérament, à notre histoire, à nos coutumes.

Le Père entend même qu’on y mette plus de discrétion qu’en Belgique et en France :

Le scoutisme, né, grandi en Angleterre et aux États-Unis, comporte un ensemble de noms, de pratiques, d’allusions, qui nous déroutent ou ne nous disent rien. Il faut un robuste appétit pour digérer, comme beaucoup de Français et de Belges, toutes les particularités du scoutisme anglais.

Le Père n’en reste pas là :

Nous sommes donc d’avis que le scoutisme, s’il s’introduit chez nous, devra être toute autre chose qu’une préparation à la carrière des armes.

 

La question du patriotisme a également son importance… Le drapeau, l’hymne national, qui le fera vibrer, ce n’est pas l’Union Jack, ni le God save the King. La patrie qu’il veut grande et prospère, ce n’est pas l’Empire britannique, mais le Canada, tout particulièrement le Canada français.

Moi-même, pour calmer certaines appréhensions dans les familles et dans les milieux d’éducateurs, je me porte à la rescousse du Père Dugré, dans un mot d’ordre de la revue, en juillet 1926. Il ne pouvait plus être question d’accepter ou de refuser le scoutisme. Déjà beaucoup de jeunes Canadiens français s’étaient enrégimentés en des équipes anglaises ; un bataillon s’était même affilié au scoutisme officiel. Suffirait-il de bouder le mouvement ? Je m’en prends de nouveau aux méthodes purement négatives, les seules que nous avions su opposer jusqu’ici aux offensives ennemies :

Rien ne sert, disais-je, de s’escrimer avec une rapière devant un browning. Souvenons-nous : il y a telle société catholique, d’origine et d’inspiration étrangères, dont l’expansion, chez nous, a humilié et humilie encore notre sens national, notre goût légitime d’autonomie, jusque dans les cadres et les méthodes où se doit mouler l’action d’un peuple. Croit-on que cette société