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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/340

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mes mémoires

— Je n’ai pas de compliments à vous faire, lui dis-je, pour le tour d’une propreté douteuse que vous venez de me jouer.

Il me regarde un peu déconfit, puis :

— Je m’accuse. J’aurais dû vous prévenir, parce que je savais. Il y a quelque temps, l’abbé est passé chez moi et pour me dire : « Fauteux, je brûle mes vaisseaux et je fonce sur l’abbé Groulx. »

Je sais donc à quoi m’en tenir. Le coup m’atteint durement. Tout ébréchée qu’elle pouvait être, notre amitié tenait encore. Et elle s’enveloppait pour moi de si émouvants souvenirs. Malheureusement les choses n’en resteront pas là. Fidèle à ma tactique d’ignorer les attaques d’où qu’elles viennent, je dédaigne de me défendre. J’y renonce tout à fait lorsqu’Albert Lévesque m’apporte, pour L’Action française, un compte rendu de la « Semaine » où il s’efforce de mettre les choses au point. Mais Henri d’Arles ne se croit pas tenu à autant de discrétion. Attaqué, il réclame le droit de se défendre, et dans L’Action française dont il est l’un des collaborateurs. Ajouterai-je qu’il a ses raisons de ne pas aimer plus qu’il ne faut l’abbé Chartier ? Il m’envoie un article dur, très dur, qui me laisse très embarrassé. À la revue, je l’ai déjà dit, mes collègues me font entière confiance. On me laisse coudées franches. Pour la première et unique fois, à propos d’articles, je réunis le Comité de direction. On prend connaissance du « poulet » d’Henri d’Arles. Forcément je suis amené à révéler l’intention inspiratrice de la conférence de l’abbé Chartier : « foncer sur l’abbé Groulx, président de la Semaine d’histoire ». On pèse le pour et le contre. Le choix est à faire entre l’abbé Chartier, plutôt loin des idées de l’Action française, et Henri d’Arles, collaborateur régulier qui, au surplus, nous pose cette alternative : ou laisser passer son article sans la moindre modification ou lui signifier son congé. Le Comité opte pour la publication de l’article. « L’abbé Chartier, conclut-on, a été l’agresseur, et en des circonstances qui rendent son acte inexcusable. Qu’il en paie la façon ! » L’article paraît (L’Action française, XV : 152-169). Il fait du bruit. On s’en émeut jusqu’à l’Archevêché de Montréal. Un jour que je suis de passage en la maison épiscopale, Nosseigneurs Deschamps et Gauthier s’enquièrent des motifs et circonstances de la petite querelle. Je ra-