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mêmes, maintenir dans la vie de notre race l’habitude des hautes pensées et leur valeur tonique ; et, par là aussi, pour le continent et pour l’honneur de l’Église, demeurer des maîtres de vérité, une apologétique vivante.

De ces deux rôles ou de ces deux idéals, lequel est le plus propre à favoriser l’essor du talent ? Lequel peut se promettre sur l’âme d’un peuple, plus de prises, plus de force attractive ?

La publication de ma conférence en brochure me vaut une lettre extrêmement élogieuse du sénateur N.-A. Belcourt. Cette lettre, L’Action française la publie, dans le temps (XIX : 186-190), avec une note explicative. Je reproduis ici le tout, lettre et note : document précieux, ce me semble, sur l’état d’esprit des hommes les plus mêlés aux luttes de l’époque. On y apercevra peut-être aussi quelques-unes des répercussions inattendues de notre mouvement d’idées. Des adversaires nous cherchaient facilement noise. En revanche, des amis ne nous ménageaient pas leurs encouragements.

Ottawa, le 12 mars 1928.[NdÉ 1]

M. l’abbé Lionel Groulx,
3716, rue Saint-Hubert, Montréal.

Cher monsieur l’abbé,

Hier, c’était dimanche, le seul jour où vraiment je trouve le temps de lire et méditer. J’ai pu parcourir le Tract numéro 6, « Nos responsabilités intellectuelles », que vous avez eu la bonté de m’envoyer.

J’en ai été profondément impressionné. Je ne puis décider ce que j’ai admiré davantage : la beauté du style ou la force pénétrante de l’argumentation. Vous avez exposé votre thèse avec infiniment de justesse et de bon sens et une distinction soutenue.

Comme vous, je suis un croyant, fervent et convaincu, de l’énorme emprise, si souvent méconnue, que l’esprit peut exercer sur la matière, autant chez les individus que pour les col-

  1. Nous avons hésité à publier cette lettre de M. le sénateur Belcourt parce que très élogieuse pour le destinataire. D’autre part le témoignage que M. le sénateur veut bien rendre à quelques idées que nous défendons ici nous est précieux. Peut-être avons-nous été justifiables de faire taire nos scrupules. (N.D.L.R.)