Aller au contenu

Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
mes mémoires

de collège qui m’avaient rendu possible mon séjour d’études en Europe. Deux qui, hélas, représentaient chacun les camps opposés de la région : Mgr Laurendeau, partisan de Mgr Fallon, avait opté pour la soumission ; l’abbé Émery, le « Gros Fred », comme on l’appelait au Collège, était demeuré l’un des plus fiers résistants et s’était attiré de son évêque d’inqualifiables représailles. Quelle peine il me fallut donner pour m’en tenir entre les deux camps à une attitude correcte. Toute ma diplomatie s’y esquinta. Je vois, par L’Action française, que je rapportai de la péninsule, des impressions pessimistes qui, depuis, se sont malheureusement par trop confirmées. « À l’heure actuelle, me demandais-je, quelles sont les chances de survie des Canadiens français de Kent et d’Essex ? » Et je répondais : « Ils traversent sûrement une période critique. » Je n’abdiquais point pourtant tout espoir. Mais dans ce glissement d’un petit peuple vers la démission nationale, là, comme en Nouvelle-Angleterre, comme aux environs de Chicago, comme bientôt au Manitoba, les responsabilités du Québec se dressaient devant moi. Et je posais la question :

Soyons francs. Qu’avons-nous fait pour que ces frères se retournent vers nous comme vers le groupe aîné, vers le gardien de l’âme de la race ? Jusqu’à ces derniers vingt ans, quels exemples de vigilance, de ténacité, leur avions-nous donnés ? Où est la littérature nationale, où sont les livres, les manuels d’histoire, les œuvres d’art qui auraient incarné la grandeur de notre passé et où ces frères éloignés auraient pris la fierté de leur sang ? Pendant trop longtemps nous avons abandonné à l’Église seule le devoir de se souvenir et d’aider. Pendant trop longtemps la province de Québec s’est comportée comme une grande irresponsable, repliée sur elle-même, étrangère à la solidarité ethnique, plus engouée de son droit que [de] son devoir d’aînesse. Si nous voulons que la race vive, c’est cette insouciance, c’est cet égoïsme qui doit cesser.

Il me faudrait encore rappeler ma participation à maints congrès. En 1924, je prononce le discours de clôture au Congrès