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mes mémoires

Faculté des lettres, il a fait tel discours, il n’a voulu, tout au plus, que sonder les dispositions de mes collègues, jouer « le rôle de l’avocat du diable ». Textuel. Il me raconte son entrevue avec Perrault. Non, il ne se laissera pas mener par la « clique rouge ». Que je lui laisse mon « problème » entre les mains ; il s’en charge. Incidemment, il me dit :

— Savez-vous ce que vous reproche le sénateur Béique ?… D’avoir accusé Laurier publiquement, dans une de vos conférences, de trahison envers sa foi et envers ses compatriotes de langue française. Le sénateur m’a pris à part un jour pour me faire cette confidence.

— Je nie, M. le recteur. J’ai pu juger sévèrement la conduite de Laurier dans les questions scolaires de l’Ouest. Mais un jour, à Ottawa, chez lui, j’ai été le commensal de sir Wilfrid. Pour cela seul, je ne pouvais me permettre ce langage.

Puis, je me ravise :

— Mais, attendez donc, je connais quelqu’un qui a déjà accusé le grand homme de cette trahison. Et ce quelqu’un, symbole de la modération pour MM. Béique et Dandurand, n’est nul autre que M. Thomas Chapais. Il a écrit le propos, en propres lettres : « La trahison de M. Laurier », dans son journal, Le Courrier du Canada (4 mars 1896). Vous trouverez l’article dans les Mélanges de polémique et d’études religieuses, politiques et littéraires, du même M. Chapais.

— Oh ! Apportez-moi ce volume, d’insister mon recteur, que je confonde ce bon M. Béique.

Le recteur s’était chargé de mon « problème ». Il en restera chargé longtemps. Nous étions à l’automne de 1926. L’automne, l’hiver, le printemps suivant passeront. « Le problème » sera encore en panne, sur les bras du recteur. Ces Messieurs de l’administration, n’osant risquer une polémique, s’emploient, comme on dit, à « noyer le poisson ». Le « problème » continue de figurer sur l’ordre du jour de chacune de leurs réunions ; invariablement quelqu’un d’entre eux est absent. On demande donc l’ajournement :

M. Béique est en Europe. On ne peut procéder en son absence. Il a quelque chose à dire sur l’affaire.