Voilà pour le pays. Que n’allait pas nous révéler la population ? Et d’abord qu’en savions-nous ? Bien peu de chose. Ceux-là même d’entre nous qui avaient lu l’histoire de la Louisiane en avaient retenu vaguement que dans le delta mississipien, achevaient de mourir à la vie française quelques restes de l’ancienne population. Les derniers journaux français étaient disparus ; quelques rares couvents dispensaient encore des bribes d’instruction française ; en certaines paroisses dont le nombre allait au surplus diminuant, des prêtres continuaient de prêcher et de faire leur ministère en français. Une « Athénée louisianaise », cénacle pour rares initiés, prolongeait entre portes closes et par des jeux de pensée aristocratiques l’agonie de l’ancienne culture. Mais quelle était, en chiffres exacts, cette population de descendance française ? Quelle étendue du territoire louisianais couvrait-elle ? Qu’avait-elle retenu au juste de la langue maternelle ? Après notre passage à Chicago et à Saint-Louis où la survivance française est en train de passer au rang de simple souvenir historique, les plus optimistes d’entre nous n’énonçaient plus que des hypothèses pleines de discrétion. « Nous trouverons là-bas bien peu de français », disaient-ils. « En trouverons-nous même assez pour que cela vaille la peine de faire des discours français ? »
Cette fois encore l’émerveillement nous attendait. Quel était bien l’effectif, nous demandions-nous, des Louisianais de sang français ? Au moment de la cession, la Louisiane française comptait environ 13,000 âmes dont 4 à 5,000 gens de couleur. À cette époque, il était venu, aux bouches du Mississipi, environ 2,500 Acadiens dont 1,500 accourus de France, les autres, des colonies anglo-américaines et des Antilles françaises. Qu’avaient