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I

ARMAND LAVERGNE

Un deuil a terminé le cinquième volume de ces Mémoires. Les morts vont vite, trop vite en notre bas monde. Un autre deuil ouvrira ce sixième volume. Il vient s’insérer, d’ailleurs, en ces années 1930, presque fin d’une époque en mon temps, fin, en tout cas, du mouvement nationaliste, lequel débuta, à vrai dire, en 1899, au commencement du siècle. Vers 1930, l’école a presque fini de se disperser. Par son étrange évolution d’esprit, Bourassa déconcerte ses meilleurs amis. Une amère déception, un étonnement douloureux s’emparent des fidèles disciples ou partisans. Le vide se fait autour du chef ; Le Devoir perd de sa vitalité. À ce moment, un homme disparaît, qui avait personnifié quelques-uns des traits les plus attachants de l’école ou du groupe nationaliste. Souvent, dans l’histoire, des tombes ou des morts prennent figure d’épilogue.

Portrait de LaVergne

En 1935 mourait Armand LaVergne. J’ai de lui, appendu au mur de mon cabinet de travail, l’un de ses portraits aux approches de la quarantaine. Il y apparaît debout, grand, élancé, n’émergeant toutefois qu’à moitié de sa personne, les pans de son habit légèrement écartés par deux mains à demi enfoncées dans les poches du pantalon ; une chaîne d’un grain fin barre la