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sixième volume 1931-1939

ce, concède M. Héroux à l’auteur d’Orientations. Il a pour cela trop de Foi, au sens le plus élevé, trop de confiance aussi dans les vertus natives de son peuple. Il sait que Dieu a fait les nations guérissables. » Même compliment dans Le Petit Journal (27 octobre 1935) : « Devant nos questions nationales, dressant le constat de nos retards, de nos insuffisances et de nos responsabilités, l’abbé Groulx est sévère. Cependant il se sépare tout à fait des dénigreurs qui semblent prendre un malin plaisir à énumérer ces déficiences. Sévère, dur parfois comme il le faut bien, celui qu’on appelle souvent un professeur d’énergie, un professeur de fierté française, est au fond un optimiste. Il a confiance dans l’avenir de ce peuple, qui peut être splendide… » Compliment encore plus explicite d’un quelqu’un qui signe : J. B., dans L’Action universitaire (nov. 1935) : « Et ce qu’il faut… admirer le plus, je crois, dans l’œuvre, dans l’attitude de M. Groulx, c’est que ce maître d’énergie n’est pas un pessimiste. Sa foi est tellement ardente, ses convictions sont si profondément ancrées au plus intime de son être, que même après avoir disséqué nos misères, dressé le tableau révélateur de nos défaites, souligné nos pires défauts, il se redresse soudain avec une fierté communicative et laisse entrevoir la victoire au bout d’une route parsemée d’embûches. »

Signe des temps ! Un petit livre, un simple recueil de discours et d’écrits obtenait pareille audience, remuait une large opinion. Signe de terribles déficiences, dira-t-on, signe d’une époque pauvre en toute façon qui s’accrochait à si peu ! Peut-être. Mais signe aussi d’une époque où il y avait de la vie, où il y avait une jeunesse travaillée par les grandes inquiétudes, l’esprit facilement ouvert aux idées claires, à la foi, aux nobles appels. Comment cette génération s’est-elle fermée sur elle-même, sans lendemain, comme un livre resté inachevé, sans épilogue ? Elle a vieilli ; elle n’a pas été remplacée. À peine a-t-elle survécu elle-même à sa jeunesse. Elle s’est effondrée dans le double désastre de l’Union nationale et du Bloc populaire. Mais n’allons pas anticiper sur les événements. Que je prenne seulement en passant cette leçon d’humilité.