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sixième volume 1931-1939

vouloir ?, certaine portion de ma littérature : Les Rapaillages, mes romans, en général ma prose oratoire qui, dans Orientations par exemple, aurait besoin qu’on y passât la serpe. Il ne retient que mon œuvre historique qu’il accable de toutes sortes de compliments. « Dans l’œuvre imposante de l’abbé Lionel Groulx, son dernier livre [Notre maître, le passé (2e série)] restera comme la synthèse harmonieuse de ses pensées et de son style. » Livre « royalement écrit » qui « offre le mérite d’être actuel ». À propos de mes chapitres sur ’37, le bon Père s’élève jusqu’à la gamme des hauts éloges : « Il fallait toute la science, la dextérité exégétique et la prudence audacieuse du maître pour aborder et réussir de tels sujets… Il ne se montre pas seulement historien profond, mais canoniste habile et psychologue averti. » Mes pages sur Papineau « comptent parmi… les plus émouvantes de notre littérature ». J’en passe. Le critique franciscain tombe un peu lui-même dans le « brillanté » et l’intempérance verbale qu’il me reproche, non sans raison. Mais encore une fois, signe d’un temps, dirai-je, où l’histoire gardait son entier prestige. Les spécialistes n’étaient pas seuls à s’y intéresser ; l’opinion moyenne s’en nourrissait comme d’un plat de choix ; la gente critique elle-même, gente capricieuse et de fine bouche, qui, aujourd’hui, ne mesure nos progrès littéraires que selon la cote du roman ou de la poésie — et quelle poésie et quels romans ! — cette gente ne croyait pas indigne de son rôle olympien de se mettre sous la dent un ouvrage d’historien.

Un autre critique me causera plus vive surprise. Celui-là a plus que des griffes ; il a le coup de poing facile. Sa plume se transforme volontiers en gourdin ou stylet. Il a le mot truculent, sonore. Polémiste passionné, fougueux, entier, tranchant. Chevalier au Moyen Âge, de son épée, comme Roland, il eût tranché les monts pyrénéens. Malheur à qui tombe sous la main de ce disciple de Léon Bloy ! Il exécute, dépèce l’adversaire avec la joie féroce de l’épervier dévorant sa proie terrassée. Le polémiste a pourtant quelques parties de choix : il a du courage et il est capable de générosité. Or il arrive que Claude-Henri Grignon — plus connu alors sous son pseudonyme de Valdombre — vient de fonder ses Pamphlets dont le no 3 est de février 1937. C’est en ce numéro que paraît son article : « Notre Maître, l’abbé Groulx ». Jus-