Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
mes mémoires

jeunes chefs de file : Noël Bernier, Henri Lacerte (celui-ci pourtant du Québec), Louis-Philippe Gagnon, un M. Fournier, instituteur réputé, me proposent une course en voiture au Fort Garry. Le voyage n’est qu’un prétexte. Au fond ces jeunes Manitobains veulent causer, me raconter des choses que personne ne me dira, et qu’à leur avis, il importe que je sache. Je leur mets le mot à la bouche. Un sujet, en particulier, m’intéresse, m’inquiète : l’état d’esprit de la jeunesse franco-manitobaine, je veux dire de la toute jeune génération. À quoi songe-t-elle ? De quoi ses ambitions, ses rêves sont-ils faits ? Que portaient, en leur esprit, en particulier les jeunes du Collège des Jésuites ? L’Ouest se bâtissait alors dans le dynamique bruissement d’une vie intense. Des vagues d’immigrants y déferlaient avec des passions de conquérants. L’Ouest devenait le pays des aventures merveilleuses, une sorte d’Eldorado aux réussites assurées, à la seule condition d’y mettre de l’audace, du travail, de l’opiniâtreté. La veille, au cours d’une petite promenade à travers les rues de Winnipeg, le juge Prendergast m’avait montré un fond de cour où, pour gagner ses diplômes à la Faculté de droit, un futur ministre des Finances du Canada, un M. Dunning, avait scié du bois.

— Eh bien, dis-je à mes jeunes amis, votre jeunesse du Col-