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mes mémoires

en ces derniers temps, autour de la cité endormie, a fait tomber les murs du sommeil : … les Jeune-Canada ». Comme moyens de réveil, je parle d’éducation nationale ; j’affirme aussi l’instante nécessité de vivifier notre vie économique ; je dénonce en passant le capital étranger et ce qu’il peut comporter d’abusif ; je recommande de ne pas abandonner le sol, l’agriculture, la colonisation, mais aussi je prie qu’on se tourne résolument vers l’industrie « avec un outillage moderne et une technique scientifique ». Et, pour réussir en ces évolutions nouvelles de notre vie collective, j’exhorte à préparer l’avenir selon une « forte discipline sociale » : ambition et dignité, probité dans le travail, formation, aux échelons les plus élevés, de citoyens capables de penser, de vouloir et d’agir d’une façon forte et personnelle. Singuliers propos, pas très neufs, mais qu’on trouvera peut-être étonnants, dans la bouche d’un homme à qui l’on a tant reproché, depuis ce temps-là, son inintelligence des problèmes économiques et sociaux. Et surtout son farouche « agriculturisme ». La soirée se termine par quelques mots de Fernand Rinfret, alors maire de Montréal. Maintes fois, en ces années, le hasard me fait me retrouver aux côtés du maire de Montréal, naguère ministre dans le cabinet Lyon MacKenzie King : homme charmant, spirituel, esprit cultivé. Nul n’est plus aimable, comme l’on sait, que le politicien relégué dans l’Opposition. Il se découvre alors quelque chose de l’air désinvolte de l’écolier en vacances ou de l’ancien affranchi. Au reste, Fernand Rinfret est néanmoins trop intelligent pour gober et prendre au sérieux le credo des passions partisanes. C’est lui qui, six ans plus tard, lors de la déclaration de guerre de 1939, après un débat pathétique aux Communes, rencontrant le soir, dans un corridor du Parlement, Maxime Raymond, député nationaliste de Beauharnois, lui jette cette boutade : « Non, mais Maxime, les beaux discours, penses-tu, que nous aurions pu faire dans l’Opposition ! »

Soirées de refrancisation

Je reprends la série de mes explosions oratoires. Le 19 avril 1933, encore dans ce même mois, autre discours à une « soirée de refrancisation », organisée par l’Association catholique de la