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mes mémoires
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On m’annonce qu’Armand LaVergne sera présent à titre de président d’honneur. On invitera peut-être aussi à parler Ernest Lapointe et un Jeune-Canada. Les discours seront radiodiffusés. Et Chaloult entend bien que « les orateurs soient aussi vigoureux qu’à Montréal, même davantage si possible. C’est un coup de fouet qu’il nous faut. » La soirée eut lieu le 6 juin 1933, devant une salle comble. On peut trouver mon discours dans Orientations. Je lui avais donné pour titre : « L’inquiétude de la jeunesse et l’éducation nationale ». L’Action catholique du 8 juin, ainsi que Le Devoir ont reproduit mon texte en entier. L’Événement avait fait de même la veille ; il accorde même à la soirée une présentation fort louangeuse : « Québec a vu rarement une démonstration patriotique aussi intéressante, aussi prenante que celle d’hier soir. » Mon discours provoque un échange de propos plutôt vifs, entre Le Soleil et L’Action catholique. Le Soleil, par la plume, à ce qu’il semble, de Jean-Charles Harvey, m’avait couvert de fleurs pour mieux m’accabler et attraper, en même temps, les Jeune-Canada. Harvey reconnaissait assez de justesse à mon diagnostic de l’anémie du sens national au Canada français ; il me reprochait de n’avoir indiqué nul remède valable. J’aurais craint, lui semblait-il, « de scandaliser les faibles ». Harvey n’apercevait, en outre, nulle directive vraiment claire sur notre orientation économique, mais tout au plus une dénonciation du capitalisme étranger qui n’aboutirait qu’à nous isoler du monde. Et quant aux Jeune-Canada, vers quoi s’en allait ce mouvement ? Mouvement raté, selon toute vraisemblance ; mouvement de jeunes pessimistes par trop précoces. Dans L’Action catholique (7 juin 1933), Eugène L’Heureux joua gaillardement du bâton. « En refusant de publier les opinions de M. Groulx et des Jeune-Canada, pour les discréditer ensuite longuement, Le Soleil s’attire un peu l’épithète de “crétin” que nous nous refusons toujours d’employer, bien que notre confrère en use et abuse… »

L’inquiétude de la jeunesse ! Il y avait telle chose alors que l’inquiétude d’une génération. La jeunesse s’interrogeait et parfois avec une anxiété proche de l’angoisse, sur l’avenir de sa nationalité, de son pays, de sa culture, et même de sa foi. Cette jeunesse paraît aujourd’hui bien vieillotte et bien ridicule à une autre génération qui s’est hardiment délivrée de ses bobards. La patrie,