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sixième volume 1931-1939

le nationalisme, fût-ce le plus sain, le plus nécessaire, autant de vieilleries grossières qu’on a jetées aux orties, comme à vingt ans on se débarrassait autrefois de la robe prétexte. La sagesse des temps nouveaux, du moins pour une portion considérable de la jeunesse, veut que l’on soit internationaliste ; il faut penser, vivre, à la mesure de la planète, être tout ce que l’on voudra ou pourra, sauf peut-être soi-même, sauf appartenir à son pays, à sa culture, à sa nation. Et ce, en dépit du roidissement de tous les peuples dans leur être historique et culturel, en dépit de tous les nationalismes en éveil, le chinois, le japonais, l’indien, l’arabe, l’africain ! Mais chassons le présent si triste et trêve d’idées noires ! Pour reprendre espoir et sérénité devant le débordement d’idées folles où il nous faut vivre, je me réfugie aujourd’hui dans le passé qui était le bon sens, le bon sens un peu fruste peut-être, mais si ferme. Donc la jeunesse de 1930 s’inquiétait. « Une jeunesse s’est levée parmi nous, disais-je, qui ne ramène pas toute la vie aux frivolités des sportifs ou des salonnards ; une jeunesse qui repose enfin des freluquets pommadés et grimés, oisifs invertébrés qu’on dirait, à vingt ans, frappés d’ataraxie ou d’artériosclérose. » Et j’indiquais les motifs de l’inquiétude des jeunes, inquiétude qui prenait, ce me semblait, « valeur de signal » :

Ces jeunes gens s’entendent d’abord dans la recherche inquiétante, fiévreuse, d’une doctrine politique et nationale, doctrine vigoureuse et compréhensive, qui serait la loi de leur impatiente action…

En second lieu, la jeune génération est d’accord pour condamner le règne des bavards, le patriotisme de tréteaux, « le patriotardisme », comme elle dit. Et ce qu’elle fustige par là, c’est le remplacement de l’action constructive par l’interminable et impénitente parlotte, par la passion des querelles byzantines et politiciennes…

La jeunesse est donc d’accord pour condamner les trahisons d’en haut, les reculs des chefs dans le domaine de nos droits fédéraux, les agenouillements complaisants devant le plus fort, par simple timidité devant la force ou par stupide gentilhommerie… Accoutumée à prendre au sérieux la constitution de son pays, ce pacte de 1867 qui aurait, à ce qu’on lui a dit, proclamé, décrété l’égalité absolue des races au Canada, elle se refuse à ne voir, en cette égalité de droits, qu’un thème à dis-