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mes mémoires

wa en 1934. Je pense, non sans tristesse, que le même discours prononcé sous le même toit en 1958 résonnerait comme une insolente algarade.

Université « en mal d’évoluer », ai-je écrit plus haut, au sujet de l’Université de la capitale canadienne. Le mot serait-il trop risqué ? Parler d’évolution serait peut-être prématuré. Mais déjà, entre la vieille et la jeune école, celle qui avait mené la lutte scolaire contre le Règlement XVII et l’autre, celle qui profitait de la paix relative, l’esprit le plus obtus pouvait discerner les premiers signes d’une grandissante hostilité. Il n’est pas si rare, en histoire, que les combattants victorieux, ceux-là qui ont porté le lourd poids de la lutte, soient écartés puis remplacés par d’ambitieux bénéficiaires, prétendus diplomates qui se croient élus pour les négociations de la paix. Un personnage de la capitale, assez répandu dans le monde de l’enseignement, conservateur ranci en politique, m’avait tenu un jour ce propos, après l’abolition du Règlement XVII : « Il est indéniable que les chefs de l’Association d’Éducation de l’Ontario et ceux de la Commission scolaire d’Ottawa ont rendu d’immenses services ; mais en servant la cause, ils ont aussi servi la leur et celle de leur parti — le parti libéral — ; il n’est que juste, puisque l’occasion nous en est fournie, de servir à notre tour nos intérêts et ceux de notre parti — le parti conservateur — tout en servant la cause scolaire. » Laissons aux professeurs d’éthique et aux casuistes d’apprécier ce raisonnement très « matter-of-fact ». Un autre jour, c’est pendant l’un de mes séjours aux Archives canadiennes, le Père Georges Simard, o.m.i., théoricien de l’impérialisme britannique et théoricien aussi de la nouvelle école, me rend visite ; il me sert une violente sortie contre Le Droit (quotidien français d’Ottawa, organe au moins officieux de l’Association d’Éducation), et il conclut par cette menace qui visait le directeur du journal, le Père Charles Charlebois : « En tout cas, l’on s’apercevra peut-être avant longtemps que les Pères Oblats ne se sont pas donné un journal [ils soutenaient financièrement Le Droit] pour s’y faire donner des coups de pied. » Il faut se rappeler qu’en 1933, nous étions à Ottawa, sous le règne du parti conservateur au fédéral. Bien des appétits s’impatientaient. Les gens de cour sont d’une race