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sixième volume 1931-1939

française avec une jeune et nouvelle vigueur ? À Québec même, la jeunesse se met à bouger et tout de bon. À l’automne de 1934, une petite revue paraît dont le titre a déjà valeur de signal : Vivre.

Vivre — La Nation

Vivre ! Protestation de foi, appel à la vie, presque appel aux armes, contre les endormeurs et endormis, contre les morts. La petite revue ne dément pas son titre, ses promesses : articles en langue drue, mordante, sans pitié pour les bonzes de toute catégorie. Il y a là Paul Bouchard, nationaliste resté malheureux, esprit trop sèchement dialecticien, sans le je ne sais quoi du croyant et de l’idéaliste qui obtient prise sur la jeunesse ; il y a Marcel Hamel, plus littéraire, futur ex-bénédictin, auteur d’une excellente traduction du Rapport Durham ; il y a encore Jean-Louis Gagnon, futur directeur d’un journal libéral, La Réforme, et futur directeur de La Presse de Montréal, en ce temps-là dans la barque nationaliste et qui y joue de l’aviron à pleine poignée. Ces jeunes ont de la verve, de l’audace ; ils ne mâchent pas les mots, s’en prennent irrévérencieusement aux illustrations les plus chevronnées, les plus vénérables du petit milieu québecois. Bref, ils font scandale en ce « gros village » de Québec, disait un jour, sir Lomer Gouin. Ces jeunes de Vivre s’avisent de me demander des conseils, histoire, je n’en doute point, de solliciter une bénédiction, de me compromettre avec eux. Acquiescerai-je à leur prière ? Aventure périlleuse. Je n’aime point refuser aux jeunes mon coup d’épaule. D’autre part, qui ne connaît les mœurs de ces petites capitales de province, d’esprit « fonctionnaire », placidement conservateur, où l’on a horreur