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mes mémoires

sonnage officiel, était au fond un fort brave homme et assurément un esprit distingué. Contre le pauvre abbé Camille Roy, l’abbé « camomille », les jeunes de La Nation prendront plaisir à vider leur carquois. Mais je reviens à la conversion de Marcel Hamel. L’un de mes ouvrages d’histoire, Vers l’émancipation, qui n’a sûrement rien du caractère apostolique, avait guéri ce jeune homme de son anticléricalisme. Il m’écrit, en sa première lettre, le 2 mai 1936 :

Ce qui m’a frappé dans votre étude sur l’Acte de Québec, c’est l’épilogue où vous traitez de la question de l’enseignement… J’avais le cerveau bouffi de préjugés et que vous êtes venu détruire. Mais oui, vous avez démantibulé comme un château de cartes les mauvaises idées à base d’anticléricalisme qui germaient subrepticement en moi. Toutes les déficiences que l’on rencontre dans nos enseignements primaire, secondaire et universitaire, je les attribuais au clergé seul. Il m’a fallu déchanter quand j’eus parcouru les pages révélatrices qui ferment votre livre…

La lettre de Marcel Hamel contenait ce premier paragraphe :

Je termine à l’instant votre livre Vers l’Émancipation. Tout de suite il me faut avouer — et à ma grande honte — que je prends connaissance avec vous pour la première fois. Ce premier contact a suffi pour que vous occupiez dorénavant la meilleure place dans ma pensée, pour tout dire dans mon cœur. Ce sentiment d’admiration que j’éprouve à votre égard ne vous dira peut-être pas grand’chose — vous comptez de si nombreux disciples — mais vous l’apprécierez davantage quand vous saurez que je fais partie de la rédaction d’un journal qui prône vos idées, qui les veut divulguer, parce que ce journal voit en elles l’unique palliatif à nos maux innombrables, vous avez deviné, sans doute, La Nation.

Je le répète : La Nation ne me ménage pas sa publicité. Quelques-uns de ses numéros portent en exergue cette phrase empruntée à l’un de mes écrits :

Le commandement du passé nous impose de conserver notre caractère ethnique, de nous dégager de plus en plus de tous les liens qui enchaîneraient notre âme et, dans le respect de nos devoirs et des contingences politiques, de nous acheminer vers la plus parfaite autonomie.