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Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/306

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sixième volume 1931-1939

Ces jeunes et bouillants journalistes se font par surcroît mes boucliers. Malheur aux mécréants qui osent pointer leur lance vers leur « maître » ou leur inspirateur. Jean-Charles Harvey en apprend quelque chose et je ne sais plus quel falot ministre du gouvernement Duplessis. Le 2 septembre 1937, ils me consacrent un numéro spécial. La victime s’y voit tournée sur toutes ses faces, tel un saint Laurent sur son gril. En première page, au centre, un portrait, reproduction d’une pyrogravure, avec au-dessous cette désignation : « L’Abbé Lionel Groulx a su formuler toutes les aspirations du Canada français. C’est le maître incontesté de la nouvelle génération, le premier chef national depuis Papineau. » Preuve de plus, encore une fois, que l’hyperbole ne gêne pas les jeunes. On peut lire dans ce numéro, et de la plume pour ce coup du franciscain Carmel Brouillard, un parallèle « Chapais et Groulx », dont la phrase initiale indique le ton :

Chapais et Groulx, voilà deux noms qui conduisent aux commentaires les plus captivants. Il y a même un peu de rosserie à rapprocher deux personnages aussi éloignés l’un de l’autre que peuvent l’être le charbon calciné et la lave incandescente.

Naturellement, ainsi qu’on l’a vu tout à l’heure, La Nation entre avec fougue dans la conspiration de la « chefferie » mythique. Leur choix s’en va vers celui qui, après la défection de Bourassa, aura ressaisi un petit peuple défaillant, perdu sur sa route. Dans l’article de tête du numéro spécial, Paul Bouchard y insiste plus que personne. Toute la galerie historique de nos chefs est passée en revue : Papineau d’abord, « le premier de la dynastie, le plus grand, l’inégalé ». Puis suivent LaFontaine, Cartier, Mercier, Laurier, évalués, jugés selon leur mérite ou leurs déficiences. Tableaux d’histoire vigoureusement ramassés qui nous amènent à « l’homme providentiel » :

Le funeste Bourassa achevait de nous désaxer et de nous dénationaliser. Nous ne savions plus où nous orienter. Groulx, historien et patriote, vint nous rappeler au sens des réalités essentielles et fondamentales de notre histoire… Il entreprit, en s’appuyant sur la base solide de l’histoire de nous créer une mystique nationale, de nous ramener à jamais à notre vocation historique de peuple français et catholique en Amérique. Le