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cinquième volume 1926-1931

de Québec ?… C’est le pays où le printemps l’on lève les vaches par la queue… !

Mot pittoresque, me disais-je, mais image du vieux Québec rural par trop authentique. J’en avais gardé moi-même souvenir. L’industrie laitière en restait encore à son enfance vers 1850 et même longtemps après. L’habitant ne gardait guère de vaches laitières en état d’être trayées que pour sa consommation de lait. Ces vaches et les autres, il les nourrissait d’ailleurs régulièrement à la paille. Le printemps venu, ces pauvres bêtes qui portaient veau devenaient incapables de se lever seules. Il fallait les aider en les soulevant par la queue.

Je parle donc aux collégiens de Saint-Boniface du Québec. Je ne leur cache point les misères du Québec. Je ne leur farde point la vérité. Je leur dis tout simplement les progrès de la vieille province depuis le départ de leurs grands-pères, les fabuleuses richesses forestières, hydrauliques, minières de la terre québecoise. Ils m’écoutent comme si je leur avais raconté un conte de fée.

Et je continue mes observations de 1944. Le lendemain soir de ma causerie aux collégiens — nous sommes à un centenaire de Louis Riel — j’assiste à un banquet dans l’un des grands hôtels de Winnipeg. J’ai pour voisine une dame Marcoux, épouse d’un ministre dans le cabinet manitobain. Mme Marcoux, qui a fait de bonnes études à l’Académie de Saint-Boniface, parle un excellent français. Je lui demande :

— Êtes-vous allée dans la province de Québec ?

— Non, mais mon mari, qui est d’origine beauceronne, y est allé, l’été dernier, avec notre grand fils. Ils sont revenus tellement enthousiasmés qu’au prochain été, je crois, je ferai moi-même le voyage.

À cette Manitobaine cultivée, il avait donc fallu le voyage de son mari et de son fils pour lui révéler la province mère. Combien de fois, au cours de mes voyages parmi nos groupes fran-