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mes mémoires

aussi du prénom d’Honoré et ministre assez falot dans le cabinet québecois ―. Conçue en 1930, l’Action libérale nationale se révélait au public, après une gestation plutôt longue, en juillet 1934. Elle eut son journal, La Province, qui parut du 5 avril 1935 au 5 février 1938.

Paul Gouin et l’Action libérale nationale

Paul Gouin, c’était un nom. Était-ce un chef ? Verrait-on dans le petit-fils, ainsi que la chose se produit parfois en histoire, la réincarnation du grand-père ? Paul Gouin avait quelque peu le profil de Mercier le Grand : la ligne d’ensemble, le port, le front têtu, la forte mâchoire ; il lui manquait la forte moustache, l’air vivant, décidé, combatif, de son ascendant. De Mercier, il n’avait pas, non plus, la voix coupante, tranchante, le parler véhément. Paul Gouin avait le débit plutôt lent, une prononciation quelque peu laborieuse, une voix forte, sans relief particulier, sans aucun de ces accents qui saisissent, émeuvent une foule. Était-il un homme d’action ? Son maintien, sa démarche ne le disaient guère. Bâti en force, la nuque légèrement courbée, il marchait lentement, traînant des pieds qu’on eût dit trop lourds. Il avait le tempérament d’un artiste ; il taquinait la muse, a même écrit un volume de vers ; il se passionnait pour le folklore, l’artisanat. Aux bords de la rivière de L’Assomption, il s’était construit une maison à son goût dont il avait fait par l’ameublement et l’ornementation, un petit musée de l’artisanat québecois. Pour être un homme d’action, un chef, le petit-fils de Mercier eût eu besoin de n’être pas un malade. On le savait capable d’un effort de quelques mois. Pas davantage. À la période d’action, comme s’il se fût vidé de ses réserves, succédait invariablement la période d’asthénie. Paul Gouin rentrait alors chez soi, disparaissait un mois, deux mois, davantage. Puis, un jour, le visage frais, les yeux pétillants, l’air d’un convalescent envahi par un fluide capiteux, il sortait de sa réclusion, prêt à reprendre la tâche. Un quelqu’un qui l’avait bien connu, aux premiers temps de sa vie active dans l’Action libérale nationale, l’avocat Philippe Ferland, me confiait : « Lors