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sixième volume 1931-1939
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des réunions de notre Comité de direction, Calixte Cormier distribuait les tâches de la semaine. Il disait : “Toi, Paul, tu vas parler en tel endroit.” Invariablement ledit Paul se rebiffait. Cormier prenait le ton impératif : “Tu vas là.” Le chef baissait la tête ; il acceptait. » Malheureusement Calixte Cormier, jeune avocat, mourut prématurément en juin 1936 à la veille de la crise la plus grave dans la vie de l’Action libérale nationale, je veux dire à l’heure où se brisait la coalition Gouin-Duplessis. Nul n’hérita de l’ascendant de Cormier sur Paul Gouin, pas même son nouveau lieutenant : Jean Martineau. Si j’en crois Séraphin Vachon, qui fut un autre compagnon du jeune chef de l’Action libérale nationale, directeur du journal La Province, et qui s’attribue même le rôle d’un inspirateur de son chef, Cormier n’aurait été qu’un assez pauvre esprit, sans prestige sur Paul Gouin. À la mort de Cormier pourtant, La Province le salua comme la « cheville ouvrière » du mouvement, l’encourageur par excellence ! Si j’ai le temps d’écrire mes souvenirs sur les origines du Bloc populaire et sur le fameux plébiscite de MacKenzie King en 1942, d’autres révélations troublantes sur ce pauvre Paul Gouin prendront place en ces Mémoires. Pour le moment il suffira de noter ce par quoi ce jeune homme s’imposa tout de même à l’opinion publique et sut se gagner en particulier l’audience de la jeunesse.

Qu’en l’esprit du chef de l’Action libérale nationale un peu d’ambition se soit glissée, la chose n’est pas impossible. Les lauriers de son grand-père et même de son père avaient de quoi le fasciner, bien qu’il affichât un certain dédain pour son grand-père qu’il jugeait « peu homme d’action, esprit peu constructif ». Était-ce pour faire place plus considérable à son père ? Toutefois j’ai