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mes mémoires

vanter d’un franc succès. Un loustic me lance : « Vous, allez-vous dire quelque chose ? » Je ne dois parler que le surlendemain, le 29 au soir. En cette atmosphère pacifique, je retouche mon discours ; je le trouve par trop détonnant. Mais il me faut remettre mon texte aux bureaux qui préparent des copies pour les services de presse. Des copies sont-elles allées ailleurs que chez les journalistes ? Il semble qu’on soit en alerte. Le midi du 29, le Dr Hamel m’emmène dîner à sa maison de campagne avec quelques amis. L’après-midi, il y a réception chez le lieutenant-gouverneur à Spencer-Wood. Le Docteur veut m’y amener. Je décline. J’ai besoin de m’aller reposer. À Spencer-Wood, le Dr Hamel croise le Dr Arthur Vallée, l’un des principaux organisateurs du Congrès :

Dr Hamel, nous entendons dire que la jeunesse prémédite une manifestation, ce soir, en l’honneur de l’abbé Groulx. De grâce empêchez-la. La soirée est celle du gouverneur général, lord Tweedsmuir ; il faut que ce soit la vedette.

— Mon cher Vallée, répond le Dr Hamel, j’ignore tout des desseins de la jeunesse. Mais si elle prémédite ce que vous appréhendez, comptez sur d’autres que moi pour l’en empêcher.

Je soupe au Grand Séminaire. Après le repas, Mgr Camille Roy, président du Congrès, me mande chez lui. Je m’y rends :

— Mon cher abbé, de mauvais bruits se répandent. On craint votre discours de ce soir…

— Monseigneur, je ne crois pas mon discours si terrible. J’attaque peut-être certain état d’esprit ; je n’attaque personne.

— Vous savez, le gouverneur général sera là ; tout le monde officiel sera présent…

— Monseigneur, si vos craintes vont trop loin, je puis faire une chose : ne point parler. Mais je me réserve le droit de dire pourquoi.

— Oh, non, mais non, je ne vais pas si loin. Mais je sais que l’on est inquiet.