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mes mémoires

La Confédération, nous en sommes, mais pourvu qu’elle reste une confédération. Nous acceptons de collaborer au bien commun de ce grand pays ; mais nous prétendons que notre collaboration suppose celle des autres provinces et que nous ne sommes tenus de collaborer que si cette collaboration doit nous profiter autant qu’aux autres.

Peu importe ce que pense là-dessus la vieille génération. Je sais ce que pense la jeune génération, celle qui demain comptera. À celle-ci prenez garde de donner à choisir entre sa vie, son avenir français, et un régime politique… nous refusons de nous sacrifier, nous seuls, au maintien ou à l’affermissement de la Confédération. Et, pour le dire tout net : le rôle de Cariatides naïves et serves geignant sous les corniches de pilastres branlants ne saurait être, pour un peuple, un programme de vie nationale.

 

Que les bonne-ententistes se rassurent. Je n’oublie point, pour autant, ceux qui vivent à côté de nous. J’espère seulement qu’un de ces jours prochains, nous apprendrons, nous de la minorité du Québec, à nous occuper de nos affaires sans en demander la permission au voisin. La bonne-entente, certes, j’en suis ; et, pour en être, à défaut de mon esprit de catholique, il me suffirait de la tradition française en ce pays. Mais la bonne-entente que je veux, c’est la bonne-entente à deux. La bonne-entente debout. Pas une bonne-entente de dupes. Pas une bonne-entente à n’importe quel prix : doctrine de dégradation, où tout notre rôle consiste à émoucher le lion ; mais la bonne-entente fondée sur le respect mutuel, sur l’égalité des droits. Et celle-là, j’oserai dire, l’ayant toujours pratiquée, et souvent seuls, cessons donc d’en parler comme si nous avions encore besoin de nous la prêcher ou de la mendier. Mais, comme un peuple libre et comme un peuple fier, ayons plutôt l’air, à l’occasion, d’être en état de nous en passer.

 

À nos compatriotes de l’autre origine et de l’autre culture, je tiendrais… ce langage que je n’estime ni impertinent, ni audacieux, encore moins injuste : « Nous sommes ici deux races, deux cultures, destinées à vivre l’une à côté de l’autre, à collaborer au bien commun de notre province et de notre pays. Vous, Anglophones, êtes fiers de votre sang, de votre histoire, de votre civilisation ; et, pour servir le plus efficacement possible ce