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mes mémoires

jamais, ou pour la publication d’un livre qui n’était pas encore écrit. C’est ce même clochard des lettres qui, pour s’être vu fermer ma porte alors que, grippé, je devais garder la chambre, se retournerait bientôt contre son tapé de chaque quinzaine et lui servirait, dans Les Idées d’Albert Pelletier, un éreintement en règle. Donc, en janvier 1938, ce cher Berthelot écrit entre autres choses :

Au fait, M. Lionel Groulx est écrivain plus nuancé qu’on ne le croit d’ordinaire. Nuancé, ainsi que fort intelligent… M. Lionel Groulx nous donne par sa vie laborieuse, sa vie généreuse, sa vie enthousiaste, sa vie dangereuse… il nous donne l’un des plus purs exemples d’un homme, d’un homme véritable que je sache…

Directives nous est un présent d’honneur.

En 1934 ce cher Berthelot m’avait écrit de bien autres éloges, lors de la publication de mon Jacques Cartier. Jean-Charles Harvey, dans Le Jour, 18 décembre 1937 et autres dates, il fallait s’y attendre, vitupère. Dans Directives, il discerne et dénonce une « semence de révolution » : « Pour le bien commun, écrit-il, il importe de détruire certaines théories dissolvantes qui ont fait tant de mal à une partie de la jeune génération. » Harvey s’en prend de nouveau à l’ « État français », qu’il ne conçoit, cela aussi s’entend, que sous la forme séparatiste ; mais il en veut surtout à mes prêches sur l’émancipation économique des Canadiens français. Et voilà peut-être pour éclairer sur l’identité des vrais maîtres du Jour.

Au Faculty Club de McGill

De ce livre Directives, bien accueilli par un public toujours fidèle, je ne retiens que le souvenir d’une rencontre qu’il m’aura value, rencontre plutôt singulière. Dans le temps, elle étonna et amusa à la fois mes meilleurs amis. L’un d’eux, Victor Soucisse, ai-je mentionné plus haut, se donnait beaucoup de mal, en ces années-là, pour effectuer un rapprochement entre Canadiens des deux nationalités. Avec quelques Anglo-Canadiens il avait même fondé un Institut, porteur d’un nom significatif : l’Institut Elgin. Directives contenait certains passages d’une franche clarté sur les