Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
359
sixième volume 1931-1939

relations entre les races, sur les conditions de la bonne entente, sur les légitimes revendications des Canadiens français. L’occasion parut bonne à Soucisse et à ses amis anglo-canadiens d’organiser une rencontre entre l’auteur du volume et quelques chefs de file de la haute société anglaise. Un jour donc m’arrive une invitation à déjeuner au Faculty Club de l’Université McGill. L’invitation me vient du Dr Charles Colby, professeur d’histoire médiévale ou de langues romanes, si je me souviens bien, à l’Université anglaise de la rue Sherbrooke. L’invitation est pour le 25 mai 1939. J’accepte, cela va sans dire. Sur mes relations avec les Anglo-Canadiens et sur mes sentiments à leur égard l’on a édifié tant de légendes. Ceux qui ne peuvent parler de mon étroitesse d’esprit, de mon anglophobie, sans se signer, m’accusent si volontiers de prêcher à mes compatriotes une crainte irraisonnée de l’Anglo-Canadien : crainte qui irait jusqu’à commander, avec l’autre race, l’abstention de tout contact, de tout rapprochement social ou autre. Certes, j’avais dit, recommandé le contraire. Les animosités, la haine, avais-je souvent appuyé, ne mènent à rien. Au lieu de haïr les autres, apprenons plutôt à les aimer. Mais, pour des adversaires de mauvaise foi, était-ce la peine de savoir ces choses ? Et si on les savait, fallait-il en tenir compte ? Précisément, en l’automne de 1937, à l’École de formation sociale de Vaudreuil, à des jeunes qui m’avaient posé la question : « Faut-il entretenir des relations entre les deux races ? », j’avais répondu : Certes, oui.

… de par votre qualité d’hommes, de Canadiens, de catholiques. Un ordre humain, international existe ; il serait contre la nature de s’éviter, de se haïr. Nous sommes Canadiens, citoyens d’un même pays ; nous devons savoir ce qui se passe dans les autres provinces, ne serait-ce que pour nous protéger ou nous défendre. Nous sommes chrétiens et qui plus est catholiques ; notre pays attend des solutions que, plus que tous autres, avec les lumières de notre foi, nous pouvons offrir. Des précautions sont à prendre. Gardons-nous d’aborder l’Anglo-Canadien avec un complexe d’infériorité. Abordons-nous sur un pied d’égalité, sur le plan horizontal, sans trop d’illusion. Mais, entre ces limites et ces règles, les échanges de vues ne peuvent être que bienfaisants, avais-je conclu.