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Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/45

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cinquième volume 1926-1931

de l’étroitesse d’esprit des incivilisés du « One Language ». En revanche, j’ai bien le dessein de traiter, comme ils le méritent, les arrivistes et les persécuteurs qui, pour des fins de sectarisme ou de basse politique, n’ont respecté chez nous, ni le droit historique, ni le droit naturel, ni le droit constitutionnel, ni les lois du parlement impérial, ni les engagements solennels de Sa Majesté britannique. Mais je voudrais voir de quel ton, le serein et objectif M. E. K. Brown jugerait la majorité canadienne-française du Québec, si, contre la minorité anglo-protestante de sa province, elle avait seulement commis le dixième de ce que nos minorités ont enduré de brimades, depuis cinquante ans, par tout le Canada.

M. E. K. Brown me fait grief de mon peu de foi en l’avenir de la Confédération canadienne, et, en particulier, de l’enquête de L’Action française, en 1921-1922, sur « Notre avenir politique ». Que vient faire ce grief dans le débat ? Quel rapport peut-il avoir avec mes idées ou ma méthode d’historien ? Sans doute, nul n’est obligé de le découvrir. Et d’ailleurs un écrivain de quelque esprit critique et qui comprendrait véritablement le français, se serait rendu compte que la fragilité de l’État canadien, les collaborateurs de L’Action française l’ont démontrée et la croient véritable, beaucoup moins pour des raisons d’ordre politique ou national que d’ordre économique et géographique. Pour le reste je n’entends nullement cacher à M. E. K. Brown que ni ma foi au long avenir de l’œuvre de 1867, ni celle de beaucoup de mes contemporains, ni celle d’une portion notable de la jeunesse québecoise, ne pèsent très lourd. Mais à qui la faute ? Qui a dégoûté trop d’hommes de mon temps de la Confédération ? Le collaborateur du Canadian Forum évoque, en passant, ce qu’il appelle « une décade de tragédie civile », et, par là, il entend l’époque de 1910 à 1920, période de querelles nationales d’où serait sorti le parti nationaliste — né pourtant en 1904 — et qui aurait ramené sir Wilfrid Laurier lui-même à l’attitude pathétique d’un « racial leader ». Que le collaborateur du Canadian Forum n’a-t-il remonté un peu plus haut, à la « décade » de 1886 à 1896, « décade » peut-être encore plus tragique où l’on put voir un Dalton McCarthy,