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mes mémoires

un Sproule, un Meredith, un Haultain, un Sifton, un Greenway, pourchasser la langue française et l’école catholique d’un bout à l’autre du pays ? Que M. E. K. Brown renverse, après cela, les rôles, et qu’il nous dise ce que seraient, pour la Confédération canadienne, les sentiments de ses compatriotes, s’ils avaient dû vivre, l’âme broyée, une « tragédie civile » de vingt ans ; si toujours, depuis soixante ans, ils avaient vu une majorité française appliquer contre eux la lettre et l’esprit de la Constitution, ne leur réservant dans leur pays à eux, les plus vieux habitants du Canada, que le traitement de citoyens de seconde zone. Que si M. Brown, en dépit de l’apaisement actuel, veut savoir où en est aujourd’hui même, dans notre pays, l’esprit de tolérance ; s’il veut savoir comment un grand nombre entendent l’égalité des races volontiers proclamée dans les banquets de bonne-entente, qu’il songe qu’il n’a pas fallu moins de dix ans de pétitions et de revendications pour faire inscrire, et presque à la dérobée, deux mots de français à peine lisibles sur les timbres-poste du Canada ; qu’il songe aussi que nul député n’oserait proposer au parlement canadien d’en mettre autant sur la monnaie officielle d’un pays constitutionnellement bilingue, sans risquer d’y déchaîner une tempête effroyable.

M. E. K. Brown veut bien me faire savoir, pour finir, que mes doctrines constituent, pour l’unité canadienne, une plus grande menace que toutes les activités des loges d’Orange. Rien que cela ! Si M. E. K. Brown est fier de son trait, a-t-il droit