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mes mémoires
propre de l’histoire, qui est d’atteindre l’homme, c’est-à-dire le saisir et le montrer, à un moment de sa vie, tel que l’a fait son milieu et tel qu’il s’y est fait lui-même.
Cette réédition, disais-je toutefois, n’est pas celle que nous avons rêvée. Un de ces jours, si le loisir nous est accordé d’explorer davantage l’histoire du régime français au Canada, nous reprendrons, en la fortifiant, cette synthèse historique.
Hélas, je n’y reviendrai jamais. Combien de fois, en mes préfaces ou à la rédaction des dernières pages de mes livres, m’a repris cette pensée mélancolique de l’inachevé qu’implique toute œuvre d’histoire et que j’aurai, hélas, retracé en toutes les entreprises de ma vie. C’est à la fin de cette préface de 1930 que j’exprime aussi cette conviction fortifiée en moi par l’expérience : « Ceux-là seuls qui ignorent tout du métier d’historien, croient à l’histoire définitive. » Qui, en effet, plus que le pionnier qu’on avait fait de moi, pouvait posséder cette certitude ?
Je profitai de cette préface pour faire une mise au point. Que de fois m’avait-on reproché le titre de mon ouvrage, l’emploi du mot
race, me soufflant qu’il eût fallu parler de nation ou de nationalité. J’avoue avoir trop usé du vocabulaire ou de la terminologie de mon temps. Les expressions
race,
nation,
peuple, n’avaient pas pris le sens précis d’aujourd’hui ; on les employait assez comme des synonymes.
Mgr Louis-Adolphe Paquet, grand théologien et grand seigneur devant Dieu, tentera de définir la « Vocation de la race canadienne-française ». André Siegfried avait déjà donné à son premier ouvrage sur notre pays, ce titre :
Le Canada — Les deux races. Jamais, néanmoins, ne m’était-il venu à l’esprit de parler de
race fondée uniquement sur le
sang, à la façon animale ou biologique. Encore qu’en la notion, je fisse entrer quelque part d’hérédité et indéniablement l’influence du milieu géographique, économique, social, la
race, je la fondais plus particulièrement sur une substance de culture ou de civilisation, c’est-à-dire sur les éléments essentiels qui constituent la nation. Je disais donc, en ma préface :