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Page:Groulx - Mes mémoires tome III, 1972.djvu/67

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cinquième volume 1926-1931

Paris, 20 janvier 1931.

Ma chère vieille maman,

J’arrive de mon premier cours à la Sorbonne. J’ai eu une belle salle. Salle comble. Et un auditoire où il y avait beaucoup de Canadiens, mais la plupart des Français et du meilleur monde. Il paraît que j’ai eu du succès, beaucoup de succès. Du moins on me l’a dit sur tous les tons après ma conférence, alors que je me suis vu entouré de tout ce beau monde, accouru pour me féliciter. Tant mieux, si c’est vrai, pour notre pauvre petit pays et pour la cause française au Canada. Je n’ai pas demandé le succès pour moi-même, mais pour la cause qu’on m’a envoyé représenter.

Les journaux de Paris me donneront raison. Je ne puis transcrire ici ces éloges. Ils sont trop capiteux, et d’abord excessifs. Les cousins de France, quand on a réussi à les émouvoir, ont le compliment facile, généreux. Ils avaient été touchés, je pense, par cette voix d’outre-mer qui venait leur dire l’effort héroïque d’un petit peuple de rien pour sauver sa civilisation française. Je ne cite qu’une couple d’extraits des journaux parisiens qui font voir par quoi j’ai pu plaire à mes auditeurs. Ces extraits témoignent, malgré tout, ce me semble, en faveur de notre culture canadienne. Mon auditoire de Paris me sait gré, en particulier, d’avoir donné des cours plutôt que des conférences, de m’être rapproché le plus possible de l’enseignement historique. Maurice Guénard (Hodent), le note dans Paris-Canada (25 janvier 1931), au lendemain de ma première leçon :

De cette conférence, fortement charpentée, prononcée avec le ton de l’ardente conviction, appuyée sur des dates, des chiffres et des faits, confrontée avec les textes contemporains, on sort avec l’idée que l’école historique canadienne a fait de grands progrès et puise désormais aux sources mêmes une documentation dont elle ne sait point d’avance quelles conclusions elle en pourra tirer.

Cette série de leçons, plus didactique peut-être que celle de l’Hon. Rodolphe Lemieux, moins philosophique que celle de M. Édouard Montpetit, évoque, par sa méthode et sa portée, les meilleurs cours de Sorbonne.