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septième volume 1940-1950

revit-on qu’aux derniers jours de la campagne, quand elle parut solidement engagée et efficace. Il offre alors de parler à la radio : ce qu’il fait, du reste, avec son talent coutumier. À ce moment-là, André Laurendeau, je crois, me souffle à l’oreille les motifs du refus de Paul Gouin de participer à l’assemblée du Marché Saint-Jacques : il lui répugnait, aurait-il déclaré, de paraître aux côtés de Bourassa, après les diatribes servies jadis par ce dernier à son père, sir Lomer. Confidence qui me laisse songeur. Je me rappelle, non sans un peu de malaise, un certain Monsieur qui, chez moi, en vue de sa candidature dans Sainte-Marie, priait Maxime Raymond de lui obtenir un ou deux discours de Bourassa. L’histoire des hommes, quel douloureux mystère !

L’on ne s’attend point que je raconte jusqu’au bout l’histoire de la « Ligue pour la défense du Canada ». Cette histoire, on la trouvera, fort vivante, dans un petit livre d’André Laurendeau : La Crise de la conscription, 1942, paru aux Éditions du Jour (Montréal, 1962). Les contemporains se rappellent l’étonnant succès de cette poignée d’hommes. Le « NON » retentissant courut d’un bout à l’autre du Canada français. L’abbé, plus ou moins égaré dans cette Ligue, demanda à se retirer, aussitôt bien organisée l’assemblée du Marché Saint-Jacques. On l’avait prié de rédiger le Manifeste de la Ligue distribué aux journaux et au public à des milliers d’exemplaires. J’inscris cette pièce ici-même, à la fin de ce petit chapitre d’histoire.

Manifeste au peuple du Canada

En forme de plébiscite le gouvernement d’Ottawa posera prochainement aux électeurs de ce pays, une grave question : « Consentez-vous à libérer le gouvernement de toute obligation résultant d’engagements antérieurs qui restreignent les méthodes de recrutement pour le service militaire ? »

La « Ligue pour la Défense du Canada » demande que la réponse à cette question soit : Non. Un NON digne, mais ferme, sans équivoque. Qu’on ne parle point de manœuvre inopportune ou intempestive. Pour se faire relever de ses engagements le gouvernement a cru devoir recourir à une consultation populaire. C’est donc le droit de tout citoyen libre d’orienter l’opinion et de répondre au plébiscite, selon son jugement et sa conscience, sans se