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mes mémoires

faire taxer pour autant d’antipatriotisme ou de dangereuse agitation. Se défendre et défendre son pays n’est jeter le défi à personne ni s’agiter indûment. La « Ligue » estime, au contraire, qu’en cette heure chargée de menaces, nulle province et nul groupe ethnique ne sauraient s’abstenir ou se taire, par opportunisme ou par peur, sans manquer à un grave devoir et sans se résigner équivalemment à la démission politique.

La réponse au plébiscite doit être : NON. Pourquoi ? Parce que nul ne demande d’être relevé d’un engagement s’il n’a déjà la tentation de le violer, et parce que, de toutes les promesses qu’il a faites au peuple du Canada, il n’en reste qu’une que M. King voudrait n’être plus obligé de tenir : la promesse de ne pas conscrire les hommes pour outre-mer.

Or nous ne voulons pas de la conscription pour outre-mer :

parce que, de l’avis de nos chefs politiques et militaires, le Canada est de plus en plus menacé par l’ennemi et que notre premier et suprême devoir est de défendre d’abord notre pays ;

parce que, selon les statistiques données par les fonctionnaires du recrutement et par le gouvernement lui-même, le volontariat fournit encore, en février 1942, deux fois plus d’hommes que n’en peuvent absorber nos diverses armes ;

parce qu’un petit pays, de onze millions d’habitants, dont l’on prétend faire le grenier et l’arsenal des démocraties ou des nations alliées, ne peut être, en même temps, un réservoir inépuisable de combattants ;

parce que le Canada a déjà atteint et même dépassé la limite de son effort militaire, et que, victorieux, nous ne voulons pas être dans une situation pire que les peuples défaits ;

parce que, comparativement à sa population et à ses ressources financières, le Canada a déjà donné à la cause des Alliés, autant, à tout le moins, qu’aucune des grandes nations belligérantes ;

parce qu’aucun de ces grands peuples n’a encore pris — que nous sachions — la détermination de détruire sa structure interne, et qu’en rien responsable de la présente guerre, le Canada n’a pas le droit ni encore moins l’obligation de se saborder.

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