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II

POUR LA JEUNESSE

Association catholique de la Jeunesse canadienne-française

Une chose me frappe en feuilletant mes spicilèges : la part que j’aurai faite, en mes soucis et en mon activité, à la jeunesse : passion ancienne de mes années de séminariste et de jeune prêtre. Je me rappelle comme la jeune génération de ce temps-là m’inquiète. Et pour de bonnes raisons. Cette génération de 1940 à 1950 ne sera pas tout à fait celle de la décennie précédente. La guerre est venue. Elle a mis fin au grand chômage. La jeunesse a pris le chemin des usines et de l’armée. Son angoisse demeure ; elle ne lui étreint plus la gorge comme hier. Paradoxe étonnant ! Le Canada, qui continue à se ruiner dans cette seconde Grande Guerre, prend, dans le monde international, valable stature. À bout de souffle, l’impérialisme britannique recule. Le gouvernement canadien qui a encore profité de la guerre pour mettre la main sur les finances des provinces, accroît son autorité et son prestige. Le canadianisme se développe aux dépens du provincialisme. Pas un chef national ne réussit à s’imposer dans le Québec. Le règne de Maurice Duplessis marque le retour du règne des politiciens. Le pseudo-nationalisme du chef de l’Union nationale — nationalisme qui se réduit, du reste, à une défense négative de l’autonomie provinciale — déprécie rapidement toutes les valeurs qui constituent le véritable fond de la doctrine. Du nationalisme la jeunesse en viendra, après quelques années, et surtout après l’échec du Bloc populaire, à ne plus vouloir souffrir ni le mot, ni la chose. Au surplus l’éducation nationale qui avait paru lancée, à la mode, à la fin de L’Action française, a reculé, a presque disparu dans les écoles. On a d’ail-