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mes mémoires

toire du Canada, c’est-à-dire la composition, chaque année, d’un volume d’histoire et toutes les recherches d’archives à cet effet. Corvée dont aucun de mes successeurs n’a voulu ni ne voudra. M. Frégault, alors qu’il travaillait aux Archives de Québec s’y est essayé un an, mais n’a pas voulu recommencer. Ensuite, à partir de 1926, alors que pour recueillir ma vieille mère infirme, j’ai pris maison, sur le conseil de Mgr Gauthier, l’Université — après la querelle que vous savez — s’est déterminée à me payer un salaire : $2,400, ce qui n’était pas exorbitant pour tenir maison. En retour, je renonçais à la direction de L’Action française, qui me donnait mes moyens de vie et je m’engageais à donner tout mon temps à l’Université. Je ne sais s’il existe dans vos archives des documents justificatifs de ces faits. Mais un témoin existe : M. Antonio Perrault qui, de sa propre initiative, négocia toute l’affaire avec le recteur du temps et l’Administration. J’ai continué alors à donner des cours, et à faire quand même les conférences publiques d’histoire du Canada, jusqu’en 1940. C’est alors que, pour faire entrer M. Frégault à la Faculté, j’ai proposé à Mgr le Chancelier, qui l’a agréé, de céder mes conférences à mon successeur. Même si l’on veut se montrer exigeant en comptabilité, c’est donc depuis 1926, à tout le moins, que je travaille à plein temps à l’Université. J’ai gardé ce que l’on appelle quelques « activités extérieures ». Je ne crois pas en avoir commis beaucoup plus qu’un certain nombre de mes collègues qui osent croire que certaines « activités » ne nuisent point au rayonnement d’une institution universitaire.

Mais au fait, toute cette exposition de faits ne rime à rien si l’Université a décidé de verser à ses anciens professeurs, quels que soient leurs années de services et l’âge de leur retraite, le tiers, et pas un sou de plus, de leur traitement. La chose ne me surprend pas plus qu’il ne faut de la part d’une institution catholique, étant bien connu que c’est en ces milieux qu’on pratique le plus chichement la justice sociale. Mais j’ose espérer que les jeunes aspirants à l’enseignement universitaire seront mis au courant, afin qu’ils sachent quel sort les attend à la fin de leur vie.

Pardonnez-moi, cher Monseigneur, cette longue lettre que j’espérais faire plus courte. Mon dessein n’était pas de faire à l’Université de Montréal des adieux si longs.

Bien à vous en N.-S.,

Lionel Groulx, ptre