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avec notre pays, ni avec l’Amérique, ni avec le monde. Tout uniment restons-nous ce que nous sommes, parce que nous n’avons ni le pouvoir ni le devoir d’être autre chose. Canadien français, chacun de nous peut l’être et peut l’être intégralement, intrépidement, sans péché. Il y aurait plutôt péché à ne pas l’être.

D’avoir retrouvé ces lignes que j’avais complètement oubliées, me rend aujourd’hui heureux. C’est pour s’être appuyées sur cette philosophie, et j’oserais dire sur cette théologie, sur cette dimension sociale de la morale, à mon sens orthodoxe, que mes convictions nationales se sont toujours senties à l’aise dans ma foi religieuse.

Accent de modernité, ai-je écrit plus haut, en cet article au Quartier latin. Le même accent, m’est-il défendu de le retrouver et même de plus forte résonance, sept ans plus tard, en un autre article paru dans Notre Temps (hebdomadaire de Montréal), le 21 juin 1947 ? Notre problème religieux, avec tout ce qu’il traîne de trouble, une jeunesse d’aujourd’hui qui ne doute de rien, surtout pas de soi-même, croit l’avoir découvert. Hélas, on en dissertait déjà, il y a plus de quinze ans ! Qui m’avait demandé cet article ? Le directeur du journal, mon ami Léopold Richer ? Peut-être… Tout ce que je sais, par sa correspondance, c’est qu’il en fut très content. On en parla dans les milieux de jeunesse catholique. Vais-je reproduire cet article au complet ? J’hésite. Mais je cède à ce que je crois en être la valeur documentaire, sinon même la vivante actualité.

Notre problème religieux

Notre problème religieux ! Problème d’adaptation, pourrait-on dire, comme de tous les problèmes des Canadiens français. Problème de tous les peuples jetés trop brusquement dans un internationalisme à l’échelle de la planisphère. Tout se mélange et ne peut éviter de se confronter : doctrines, philosophies, croyances ; et, ce qui est peut-être pis, mélange de toutes les mœurs. C’en est fait du mur de Chine et de bien d’autres. La foi du charbonnier ne suffit plus, si tant est qu’elle ait jamais suffi. Les croyants du vrai Dieu ne garderont eux-mêmes l’intégrité de leur foi que s’ils revisent leurs attitudes devant la question religieuse.

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