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mes mémoires

nous avons, l’Archevêque et moi, une longue conversation au sujet de notre enseignement secondaire. Je lui expose mon projet de réforme que l’on connaît déjà : recrutement, dès le collège, de vocations d’éducateurs ; première formation spécialisée au Grand Séminaire ; fondation d’une École normale supérieure pour la formation des maîtres ; envoi pour perfectionnement en Europe ou ailleurs des plus brillants des jeunes maîtres ; retraites spéciales pour prêtres-éducateurs. Mon projet intéresse au plus haut point l’Archevêque. Je le lui répète à satiété : nos anciens professeurs n’ont pas été des coupables, mais des victimes, victimes de leur temps, de la pauvreté, victimes des autorités religieuses trop lentes à comprendre une situation inexcusable. J’ose même ajouter : les évêques, dans leurs discours académiques, répètent volontiers que leurs collèges ou séminaires sont la prunelle de leurs yeux. Mais que font-ils pour y mettre un personnel compétent ? L’Archevêque me demande un mémoire sur ces problèmes et il se propose de les aborder franchement dans les milieux des éducateurs religieux. Le mémoire ne sera point perdu. Une lettre du 15 août 1934, et écrite du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, en fait foi :

Usant de la liberté coutumière entre gens qui veulent le bien, j’ai transcrit littéralement, à vingt lignes près, tout votre mémoire et m’en suis fait une conférence que je donne demain à nos prêtres de Ste-Anne [La Pocatière] en retraite de huit jours… Je la répéterai la semaine prochaine à ceux de Lévis, et, un peu plus tard, j’entrerai le dire au Séminaire de Québec.

Sans chauvinisme, je crois la situation meilleure dans les collèges du côté de Québec que de Montréal. En tout cas, depuis plusieurs années, on y a, à Lévis, une retraite spéciale — que j’ai rendue annuelle de semi-annuelle qu’elle était ―, et depuis deux ans la chose se fait ici. À Québec même, c’est encore la retraite commune du clergé. Mais je rumine des plans…

Il n’empêche que le mal que vous m’avez décrit, je le sentais, j’en ai moi-même parlé déjà quoique d’une façon moins vive, et, en tout cas, je veux m’employer à le démasquer, à le corriger. Ainsi l’idée d’un Séminaire d’éducation me frappe, et je me demande si des circonstances favorables ne me permettront point de le réaliser peut-être avant trop d’années, pour nous mettre d’accord avec la constitution Deus scientiarum Dominus.