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mes mémoires

se persuader que je n’entends nullement accabler l’infortuné prélat. Mon intention n’est pas, non plus, de fouiller, avec une curiosité malsaine, une conscience d’homme. Il n’entre rien d’infamant dans la déposition de l’archevêque Charbonneau. À proprement parler, je ne possède guère, non plus, de documentation sur le triste événement. Mais j’ai encore, dans ma mémoire, mes souvenirs d’une trentaine d’années de relations avec le curé de Sainte-Anne d’Ottawa, Mgr Joseph-Alfred Myrand, mon hôte si bienveillant pendant mes longues années de recherches aux Archives. Mgr Myrand, c’était, dans la capitale canadienne, l’écho sonore où rebondissaient toutes les nouvelles ou rumeurs politiques et ecclésiastiques. Je me rappelle avec autant de vivacité mes relations d’amitié avec le Père Charles Charlebois, o.m.i., directeur du Droit et animateur de la résistance franco-ontarienne au Règlement XVII. Puis-je oublier un autre de mes grands amis, l’archevêque de Rimouski, Mgr Georges Courchesne, presque un « copain » pour moi et qu’on a tant mêlé à « l’Affaire Charbonneau » ? Enfin j’aurai aussi compté, parmi mes amis très intimes, Mgr Philippe Perrier, grand vicaire de Mgr Charbonneau. Donc, de par ces relations, me sont venus des renseignements que je crois être seul à posséder. Et je les donne, avec l’espoir qu’ils jetteront quelque lumière sur le fait douloureux, dissipant du même coup bien des impressions fâcheuses en nombre d’esprits.

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Un premier malheur pourrait bien être que l’on ignore tout des antécédents de Mgr Charbonneau avant sa promotion à l’archevêché de Montréal. Lors de mes passages à Ottawa, je l’ai connu jeune prêtre. Revenu depuis peu de son séjour d’études en Europe, le jeune homme est d’une jeunesse presque flamboyante, et déjà vicaire capitulaire après le décès de Mgr Émard. La popularité du jeune Charbonneau s’affirme alors si spontanée, si chaleureuse, que le peuple et le clergé d’Ottawa l’eussent volontiers promu à la succession du siège vacant. Hélas ! à peine lui faudra-t-il quelques années pour réduire à néant cette