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septième volume 1940-1950

popularité. Il choisit mal ses amis, s’il en eut jamais. Il s’entoure de quelques membres du clergé d’Ottawa moins que brillants. Groupe d’assez pauvres conseillers, imbus par surcroît de passions partisanes en politique. Rappelons qu’en effet, une portion, une petite portion du clergé ontarien, quelques vieux et quelques jeunes abbés canadiens-français encore entichés de la cocarde bleue, goûtaient mal la lutte de la Commission scolaire catholique de la capitale, de l’Association canadienne-française d’Éducation de l’Ontario et du journal Le Droit contre le gouvernement conservateur de Toronto. L’on repousse le Règlement XVII. Mais l’on estime la bataille mal menée ; l’on s’en prend à l’intransigeance de la Commission scolaire trop composée de libéraux ; l’on suspecte le désintéressement du sénateur libéral Belcourt, ami intime de Laurier ; l’on ne pardonne point au journal Le Droit et surtout à son directeur, le Père Charles Charlebois, o.m.i., la virulence déployée dans la bataille. Le Père Georges Simard, o.m.i., venu me rendre visite aux Archives canadiennes, me dira, sans cérémonie : « Les Oblats n’ont pas engagé de l’argent dans le journal Le Droit pour s’y faire donner des coups de pied. » Un autre, un laïc celui-là, me confie plus crûment : « Ces Messieurs de la Commission scolaire et du Droit ont rendu service à la Cause, mais en même temps, ils se sont rendu service à eux-mêmes ; il n’est que juste que, tout en servant nous-mêmes la Cause, nous en profitions à notre tour. » On se rappellera peut-être — je l’ai déjà racontée en ces Mémoires[NdÉ 1], — la visite que me faisait, en ce temps-là, le grand vicaire Charbonneau. Mêlé à ces quelques laïcs et abbés bleus de la vieille école, il voulait rien moins que chasser de leurs postes les « lutteurs », pour les remplacer par ce qu’il appelait des « diplomates », des « parlementaires ». L’heure de la paix avait sonné ; le gouvernement de Toronto venait de reculer. Il fallait négocier. Toronto ne s’aboucherait qu’avec des hommes de paix, me soutenait le grand vicaire Charbonneau. Et l’on me priait, puisque les événements m’avaient quelque peu mêlé aux « lutteurs », de ne pas nuire aux négociateurs et au besoin même de les aider. Ai-je besoin de le dire ? Je n’écoutai ce discours qu’avec un peu de stupeur et une mine réticente. Ma politique, — si je puis parler de politique — a toujours été, dans le cas de nos minorités, d’une scrupuleuse discrétion : aider dans la mesure où

  1. Voir Mes Mémoires, I : 360-361 ; III : 264-265.