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septième volume 1940-1950

chez l’Archevêque et le prie d’obtenir la démission du supérieur : seul moyen de rétablir ordre et paix dans les deux maisons. Mgr Charbonneau subit une première dégradation. L’Archevêque l’envoie de l’autre côté de l’Outaouais ; il ne sera plus que principal de l’École normale de Hull.

Mgr Forbes vieillit. Quelques dirigeants du clergé songent fortement à préparer sa succession. On veut prévenir une nouvelle offensive irlandaise contre le siège épiscopal d’Ottawa. Mgr Myrand, je le tiens de bonne source, puisque je le tiens de lui-même, a déjà choisi son candidat : l’abbé Alexandre Vachon, professeur de sciences à l’Université Laval. Mgr Myrand me dit un jour : « Vois-tu l’heureux effet que produirait ici cet abbé, dans notre milieu mixte et notre monde politique ? Un savant, un homme de science et un mi-anglais, mais au fond de sentiment canadien-français. » Malheureusement Mgr Forbes, un faible, se défait mal d’un étrange envoûtement, en présence du principal de l’École normale de Hull, resté son grand vicaire. L’Archevêque temporise, se refuse à passer par-dessus la tête de son grand vicaire. Sur ce, voici que survient, en 1939, la mort de Mgr Joseph Hallé, vicaire apostolique de Hearst, Ontario. En excellents termes avec un Mgr Mozzoni qui fait alors l’intérim à la Délégation apostolique, Mgr Myrand croit l’heure opportune : l’heure de déblayer la voie devant Mgr Forbes. Le curé de Sainte-Anne et le délégué intérimaire se disent : « Pourquoi ne pas envoyer Mgr Charbonneau à Hearst ? » Et tous deux rédigent, à l’adresse de Rome, un mémoire à cette fin. Mgr Charbonneau possède assurément de belles qualités. On ne les dissimule point. Le grand vicaire d’Ottawa, sacré le 15 août 1939, part pour Hearst. L’année suivante, après le décès de Mgr Forbes, Mgr Vachon, candidat de Mgr Myrand, prend possession du siège de la capitale. Plus tard, quand Mgr Myrand apprendra d’inquiétantes nouvelles de Montréal, je lui dirai : « Si vous n’aviez pas envoyé Mgr Charbonneau à Hearst, il ne serait pas venu à Montréal. » Mgr Myrand me répondait : « Dans le bois, là-bas, il n’était pas dangereux. »

Le nouveau délégué apostolique, Mgr Ildebrando Antoniutti, ennuyé, peut-on croire, de l’état de l’Église de Montréal, gou-