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ture compta pour quelque chose en la circonstance. De mon discours prononcé, ce soir-là, au Cercle universitaire de Québec, je ne retiens que quelques lignes : celles où je confesse l’inévitable part de subjectivisme que, malgré soi, l’historien introduit en son œuvre. Je disais donc : « Je ne me dissimule pas… les lacunes ou les infirmités de mon œuvre d’histoire, infirmités en quelque sorte congénitales en toute œuvre de pionnier. Vous l’avez jugée cependant digne d’un prix. Serait-ce pour y avoir discerné, ainsi qu’on me l’a dit de temps à autre, un certain accent, une privauté que je n’ose dire amoureuse, envers notre petite patrie, quelque chose de l’inconsciente émotion du portraitiste qui dessinerait le visage de sa mère. Je ne récuse ni cet accent ni cette émotion sous-jacente… en mes livres et en mon enseignement. L’avouerai-je à ma confusion ? Je n’ai pas même songé à me débarrasser de cette infirmité. Je ne me suis jamais cru un citoyen du monde avant d’être un citoyen de mon pays et d’abord de mon petit pays. N’allez pas en conclure pour autant, que j’aie tenté de faire canadien-français et catholique. Mais il se trouve que, par naissance et par une longue suite d’ancêtres, je suis, non pas comme on dit trop souvent “d’expression française” — expression moins française qu’équivoque — mais je suis de nationalité canadienne-française ; et il est arrivé que mon baptême m’a valu le transcendant privilège d’appartenir à la foi catholique. Alors, j’ai pensé, j’ai écrit et j’ai parlé sans me préoccuper de l’inspiration ni de l’accent qui pourraient animer mes pauvres œuvres. Tout simplement j’ai travaillé comme j’ai respiré, dans l’air de mon pays, de mon temps, de ma foi : j’ai obéi aux penchants, aux lois intimes de mon être, laissant aux grands esprits de courir après la chimère de l’universel, pour n’atteindre trop souvent que la grisaille, l’anonymat et la médiocrité. » Quoiqu’un peu tardive, réparation sera faite à Notre Grande Aventure, et par nul autre qu’un haut fonctionnaire du ministère de l’Éducation du Québec, M. Denis Vaugeois. Dans son programme : La civili-