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huitième volume 1950-1967

sation française et catholique au Canada (programme 1966-1967 pour l’enseignement de l’histoire canadienne au cours général et scientifique : 11e année, p. 13), il écrit : « On aura constaté une lacune grave dans ces commentaires… La lecture de cet excellent ouvrage du chanoine Groulx pourrait permettre d’y remédier. »

Le Canada français missionnaire

Une fois lancé dans l’aventure, pouvais-je n’en point apercevoir une autre, et non moins en relief en notre histoire ? Ce sujet-là aussi m’avait hanté et depuis longtemps. Il me revenait chaque fois que l’un des nôtres nous reprochait notre recroquevillement, notre goût du vase clos, pour ne pas dire du ghetto. Non, il nous était resté quelque chose de notre histoire d’hier. Des empereurs de l’Amérique survivaient. Et je voyais nos canoteurs, la Conquête anglaise à peine achevée, repartir pour les « Pays d’en haut », conduire le nouveau conquérant vers d’autres horizons inconnus, atteindre pour lui la côte terminale de l’océan par-delà les Rocheuses. Mais cette fois le conquérant de l’espace avait changé de nom, les canoteurs changé de rôle et de dignité. Ils n’avironnaient plus que pour le compte d’un autre. 1760 avait tout changé. J’imagine un peu les réflexions et même les propos qu’échangent entre eux ces canoteurs. Peut-être quelques-uns avaient-ils pris service naguère auprès de La Vérendrye ? Même alors, quoique salariés, ils avaient eu conscience de travailler pour eux-mêmes ; ils agrandissaient un pays bien à eux. Tandis qu’aujourd’hui, notre monde du travail travaille pour qui et pour quoi l’on sait.

Mais une autre espèce d’hommes ne tarderait pas à continuer la « grande aventure ». Ceux-là œuvraient encore pour un autre. Mais cet « Autre » s’appelait Dieu. Et c’était le début d’un autre empire, combien plus vaste, plus spiritualisé, plus déployé aux vents d’en haut. Œuvre d’un petit peuple qui aura donné de nouveau tant de sa vie, et la meilleure, à l’immensité de son pays, à l’est, à l’ouest, au nord, puis à son voisin américain, puis à tous les continents missionnaires. Pays d’apôtres qui ne sait refuser aucun appel. C’est presque sur les traces des nouveaux canoteurs que, la foi au cœur, fils et filles du Canada français s’élancent à la conquête de l’Ouest canadien. On les trouve