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huitième volume 1950-1967

— On me dit que vous êtes inquiet au sujet de la soirée du Congrès. Soyez tranquille, il ne se passera rien.

Un peu embarrassé de cet imprévu, je risquai : « Je m’inquiétais surtout du nombre des orateurs… » Il me coupa la parole : « Soyez tranquille. »

Et c’est ainsi que me croyant empêché de parler à Québec, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal me retint, entre-temps, pour son banquet. Ce Congrès de 1952 me coûta donc deux discours. À Montréal, j’y parlai de « Fidélité française ». À Québec, j’y pris pour sujet : « Pour une relève ». Le Colisée, ce soir-là, était comble. Nous ne devions être que trois orateurs. Nous fûmes quinze. Tous les groupes de jeunes Canadiens français du Canada vinrent faire leur salut au vieux Québec. Après eux, ce fut le tour d’un évêque de France. Lorsque vers les onze heures passées, René Chaloult gravit l’estrade pour me présenter, les enfants des écoles, tassés dans les tribunes depuis huit heures, dormaient sur leurs bancs. Pour comble les haut-parleurs négligèrent de bien fonctionner. On n’entendait rien à cent pas. J’eus l’impression de parler dans une salle vide. Mon auditoire de 1937 n’était plus là. Le premier Ministre qui me suivit fit galamment les choses. Il était en pleine campagne électorale. Il se permit ce mot d’esprit ou ce calembour : « L’abbé et moi, nous n’avons pas toujours été du même avis. Mais, ce soir, il y a au moins ceci de commun entre nous, que tous les deux nous nous battons pour la survivance. » L’aventure ne m’engageait pas néanmoins à gravir de nouveau la tribune.

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Mais il m’a toujours fallu compter avec le despotisme de mes amis. Je me sentais une soif, mais quelle soif ! de solitude, de travaux paisibles. Mes amis me croyant libre, en pleine disponibilité, continuaient de me harceler comme au plus beau temps de mon éparpillement. Nous atteignions l’année 1960. Le Devoir allait fêter son cinquantenaire. Se pouvait-il qu’on ne m’y mêlât ? André Laurendeau ne fut pas de cet avis. Pour expliquer ma collaboration à l’événement, il faut se rappeler que le journal gardait encore beaucoup de son prestige. Bourassa, Pelletier,