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mes mémoires

tantisme, avec tous les flirts téméraires pour tous les snobismes ; Français, nous le serons de la tête aux pieds, avec intransigeance, à force d’énergie et d’audace, ou nous cesserons de l’être. Or, pour faire des Français de l’espèce viable, l’on n’a pas encore trouvé d’autre recette que d’élever les enfants à la française, dans des écoles françaises, dans une atmosphère française, avec un idéal français. Ce qui ne veut pas dire que l’on néglige ni que l’on dédaigne les autres cultures, mais que les langues et les cultures secondes restent à leur rang qui n’est pas le premier.

Le drapeau canadien-français

On m’attribue l’adoption de ce drapeau un peu trop généreusement. Ainsi le veut une petite brochure parue en juin 1944, à ce qu’il semble, sous ces titres : M. le Chanoine Lionel Groulx, Le Drapeau canadien-français. L’Union, de l’Académie commerciale de Nicolet (vol. II, no 6, année scolaire 1947-1948), soutient la même chose. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal me décerne à peu près ce même témoignage en janvier 1948. L’important, en l’affaire, est que le gouvernement de Québec ait enfin adopté, pour drapeau national canadien-français, le fleurdelisé. Interrogé par un journaliste, je vois dans cet acte politique, « la plus solennelle affirmation du fait français au Canada ». Cette déclaration paraît en gros titre dans Le Devoir du 23 janvier 1948. Je ne reviens pas sur ce sujet. Dans mes souvenirs sur mon ami René Chaloult, j’ai raconté les incidents qui ont entouré l’adoption du fleurdelisé. Même si cette campagne pour un drapeau québecois s’amorce dès ma Croisade d’adolescents, je n’ai pas été seul à préparer et à emballer l’opinion. Déjà depuis quelques années, aux jours de fête et même au cours des campagnes électorales de 1935-1936, les estrades avaient pris l’habitude de se fleurir du fleurdelisé. Ma joie, en janvier 1948, ce fut de penser qu’enfin, un peuple, le nôtre, apprendrait qu’un drapeau n’est pas une guenille quelconque, et qu’un jour de fête nationale, on ne saurait décorer sa maison d’un Union Jack ou de l’étoilé américain ou du tricolore, comme s’il ne s’agissait que d’y mettre de la couleur.